Le tigre dans le moteur va bientôt s’éteindre. Chez Alpine, marque du groupe Renault à la pointe de l’innovation sportive, le dernier CSE du 23 juillet a scellé la fin d’une époque. Celle du développement et de la production des blocs-moteurs pour les formules 1 sur le site Alpine Racing de Viry-Châtillon (Essonne). Ces derniers seraient désormais achetés à Mercedes pour la saison 2026. Si l’annonce a fait l’effet d’une déflagration, c’est qu’un moteur avait déjà été développé en interne pour cette même saison de course.
« Ça a été très brutal, déplore Karine Dubreucq, déléguée syndicale CGT sur place. On va passer à la trappe un moteur qui s’annonçait très prometteur et détruire un fleuron de l’industrie française. Tout ça pour faire 100 millions d’euros d’économies et mener une guerre d’ego. »
Comme le précise Thomas Ouvrard, délégué syndical CGT du groupe au losange, « l’écurie Alpine avait fini l’année 2023 en sixième position du classement de formule 1, mais on ne pensait pas qu’une telle décision serait prise ! Le constructeur ne veut visiblement plus financer la recherche et développement sur ses propres moteurs ».
La profitabilité préférée au savoir faire
Pourtant, les voyants de Renault pour le premier trimestre 2024 sont globalement au vert. Si le résultat net est en baisse, la marge opérationnelle atteint un nouveau record, passant de 7,6 % il y a un an à 8,1 %, soit une hausse de 0,5 %. Pour sa griffe sportive, née à Dieppe en 1955, les ambitions sont encore plus élevées : le constructeur vise une marge opérationnelle supérieure à 10 % et la rentabilité en 2026. « On continue de privilégier la profitabilité sur le volume et de remplir les poches des actionnaires », analyse Richard Gentil, administrateur salarié CGT chez Renault.
Ces derniers mois, les changements de tête se sont multipliés chez Alpine avec des doutes sur la stratégie. « L’arrivée de Flavio Briatore (ancien patron de Renault F1 lors des titres mondiaux en 2005 et 2006 puis reconnu coupable de tricherie – NDLR) en tant que conseiller exécutif a été contestée et a accéléré certains mouvements », pointe David Leblond-Maro, délégué syndical adjoint CGT groupe.
Depuis sa création, la marque automobile a eu plusieurs vies. Au-delà de sa propre écurie, Alpine Renault a également conçu et équipé les moteurs des monoplaces de Red Bull, Ferrari, Ford ou encore Mercedes, depuis 1977, dont douze ont été championnes du monde.
Pour les 350 salariés basés à Viry-Châtillon, dont une majorité d’ingénieurs passionnés par la recherche d’excellence et soucieux de continuer à écrire cette histoire, l’incertitude tourne en boucle. La direction promet que le site sera transformé en pôle de haute technologie sur les moteurs à hydrogène et électriques à haute densité de puissance pour accompagner l’évolution des voitures de sport routier d’Alpine.
« On a demandé une expertise pour voir si leur projet est viable et financé, explique Karine Dubreucq. Nous ne rendrons donc pas d’avis au prochain CSE du 30 juillet. Contrairement à ce que la direction affirme, on leur a déjà prouvé par A + B que leur plan n’aurait pas la capacité de répondre au maintien de 100 % des emplois… On nous dit qu’on va travailler pour le Paris-Dakar, c’est super ! Mais ici les gens ne vivent et ne vibrent que pour la F1. Une cellule psychologique a été mise en place. Les salariés sont tellement surengagés dans le travail qu’ils sont dans un état pas possible. »
D’autant que les récentes reconversions de métiers au sein de Renault accentuent les doutes. « Chez Alpine, les ingénieurs ne vont pas pouvoir se spécialiser comme ça du jour au lendemain, poursuit Thomas Ouvrard. On s’inquiète aussi pour la sous-traitance (plus de 150 prestataires travaillent sur ces moteurs – NDLR). Sur les sites Renault qui sont passés des moteurs thermiques à ceux électriques comme Douai ou Maubeuge, ça a été compliqué. Il y a eu une baisse de l’emploi. Au niveau logistique, par exemple, car ce type de moteurs a beaucoup moins de pièces référencées. » De son côté, le groupe n’a toujours pas communiqué officiellement sur cet arrêt.
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