La République tient parfois ses promesses. Les grands-parents d’Émeline K/Bidi (à prononcer « ker-bidi », le nom provient d’un cultivateur breton de Quimperlé, dans le Finistère, venu à La Réunion au XVIIIe siècle), députée de la 4e circonscription de La Réunion, étaient illettrés, de milieux très pauvres. L’Ultramarine a été élue, jeudi 18 juillet, coprésidente du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), en binôme avec le communiste André Chassaigne.
« Ma mère n’a pas eu la chance d’aller très longtemps à l’école ; elle s’est arrêtée en troisième, parce que la famille comptait six enfants et qu’il fallait s’occuper des deux derniers. Elle a enchaîné les petits boulots », raconte-t-elle. Son père était le dernier de la fratrie et a pu poursuivre des études : il est devenu instituteur. « Mes parents m’ont toujours dit que l’école permettait de monter dans l’échelle sociale », se souvient-elle.
Alors elle fait des études, comme ses frères. « Toujours dans le public », tient-elle à préciser. Et à l’université de La Réunion, même si elle aurait aimé faire Sciences-Po dans l’Hexagone. Il fallait garder de l’argent pour financer les études des deux plus jeunes. Après être passée par l’école du barreau de Paris, elle devient avocate.
« Elle est un produit de l’école républicaine »
En 2019, après la naissance de son fils, elle se rapproche géographiquement de ses parents et s’installe dans la ville où elle a grandi, Saint-Joseph, pour lancer son cabinet. « Je suis généraliste, je fais beaucoup de droit de la famille », relate-t-elle. Le maire Patrick Lebreton la repère et lui propose d’être sur sa liste aux municipales. « Elle est un produit de l’école républicaine », confirme-t-il à l’Humanité. Un symbole. Mais Émeline K/Bidi refuse, dans un premier temps, souhaitant se consacrer à son métier.
Elle franchit le pas aux municipales de 2020 et devient adjointe en charge de l’aménagement du territoire, en pleine période de Covid. « Elle avait une sérieuse formation juridique. Il fallait voir sa manière de mettre les choses en place », se souvient le maire. Elle convainc, notamment sur le dossier de la sécurisation d’une population menacée par les catastrophes naturelles dans un quartier de Saint-Joseph.
« Elle a pris le dossier et a su faire équipe avec nous », loue le maire. Deux ans plus tard, la voilà propulsée candidate aux législatives pour le parti Progrès 974, dirigé par le maire de Saint-Joseph, et soutenue par la présidente de région Huguette Bello. Elle est élue une première fois en 2022. Puis réélue en 2024. « Elle est arrivée en tête dans la commune voisine de droite, qui est plus peuplée », se félicite Patrick Lebreton, qui y voit une promesse pour l’avenir.
En parallèle de la politique, Émeline K/Bidi tient à maintenir une activité d’avocate. Elle s’y consacre un jour par semaine, si jamais l’envie lui prenait de claquer la porte, ou si elle essuyait une défaite, mais aussi pour sauvegarder les emplois liés à son cabinet. « J’ai à cœur de préserver mon indépendance », sourit-elle.
Les combats de son île : contre la vie chère, pour l’emploi et l’habitat
Députée, elle porte, avec les cinq autres députés de gauche de La Réunion, les combats de son île : contre la vie chère, pour l’emploi et l’habitat. « Quatre-vingts pour cent de la population sont éligibles au logement social. Or, 45 000 personnes sont en attente. Il faut leur apporter une réponse », avance-t-elle. Avec d’autres, elle avait déposé une demande de commission d’enquête sur le logement indécent dans les outre-mers, adoptée lors de la niche du groupe GDR.
Émeline K/Bidi travaille beaucoup avec les syndicats, car, à 9 300 kilomètres de Paris, une question est cruciale : celle des mutations. Nombre de fonctionnaires réunionnais souhaitent retourner sur leur île. « Cela représente 80 % des demandes d’intervention que je reçois, 80 % des courriers que j’adresse », informe-t-elle. Pour revenir au pays, un policier, par exemple, doit patienter quinze ans en moyenne.
Logiquement, un député d’outre-mer doit également défendre les spécificités locales. « Nous avons obtenu que la deuxième réforme de l’assurance-chômage ne s’applique pas à La Réunion », pointe-t-elle. La saison de la canne à sucre s’est réduite avec le temps de six mois à quatre mois. Le risque était de voir des salariés qualifiés non indemnisés se tourner vers d’autres secteurs de l’économie.
Après deux années de mandat législatif, Émeline K/Bidi incarnera, comme coprésidente, la composante ultramarine du groupe Gauche démocrate et républicaine (9 élus communistes ou apparentés, 8 élus d’outre-mer). « Il est important qu’il y ait un partage de la présidence, avec une jeune députée engagée, toujours sensible à l’unité et à la cohésion du groupe », souligne Marcellin Nadeau, député de La Martinique.
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