Se chauffer correctement, manger de la viande tous les deux jours… le nombre de Français contraints d’y renoncer augmente, alerte une étude de l’Insee parue jeudi 11 juillet. 11,7 % d’entre eux déclarent avoir dû, en 2023, se priver de chauffage et 12,3 % ne pas avoir eu les moyens de manger régulièrement un plat protéiné (viande, poisson ou équivalent végétarien). Soit respectivement 2 et 3 points de plus qu’en 2022, quand l’inflation a fait bondir d’une année sur l’autre de 14 % les prix de l’énergie et de 15 % ceux de l’alimentation.
Des difficultés aussi sur les factures d’électricité, de gaz et d’eau
« Les taux de privations liées à la consommation de protéines et de chauffage ont presque doublé depuis 2014 : en France métropolitaine, seule 6 % de la population manquait alors de moyens pour se chauffer, et seule 7 % était privée de viande ou d’un équivalent végétarien », relève l’institut de statistiques. Si ce sont celles qui ont le plus augmenté d’une année sur l’autre, ces deux catégories ne sont pas celles qui frappent le plus grand nombre. Toujours en tête de classement, le fait de ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue de 100 euros concerne 28,4 % des Français et 24,1 % d’entre eux ne peuvent se payer une semaine de vacances dans l’année.
La part des Français en incapacité de payer leur loyer à temps a, de son côté, baissé (9,4 %, -2,2 points entre début 2022 et début 2023), mais les difficultés s’accroissent pour honorer d’autres factures comme l’électricité, le gaz ou l’eau. Ces problématiques concernent 7 % des Français, contre 6,6 % en 2022.
Si un ménage cumule au moins cinq de ces renoncements parmi une liste de 13 éléments « considérés comme souhaitables, voire nécessaires, pour avoir un niveau de vie acceptable », il est en situation de « privation matérielle et sociale », ou en d’autres termes « pauvre en conditions de vie ». Au total, ce taux de privation matérielle en France métropolitaine s’élève à 13,1 % en 2023, contre 12,9 % en 2022 et 12,1 % en moyenne sur la période 2013-2020.
La situation des familles monoparentales est particulièrement difficile. 28,8 % d’entre elles sont concernées par ces privations matérielles et sociales. « Entre début 2020 et début 2023, le risque de privation augmente fortement pour les employés (+ 2 points) et les ouvriers (+ 4 points), déjà davantage exposés que les autres catégories de personnes en emploi », note également l’Insee.
9,1 millions de personnes en situation de pauvreté monétaire
Voilà de quoi relativiser la quasi-stabilité du taux de pauvreté également objet d’une étude de l’Insee publiée ce jeudi 11 juillet. En 2022, celui-ci s’élève, selon l’institut, à 14,4 %. Soit 9,1 millions de personnes qui se trouvaient en situation de pauvreté monétaire, c’est-à-dire qu’elles disposaient de revenus mensuels inférieurs au seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian (1 216 euros pour une personne seule).
En dépit de la forte inflation (+ 5,2 %) enregistrée cette année-là, le niveau de vie des ménages a très légèrement augmenté (+ 0,3 %) grâce aux dispositifs de protection du pouvoir d’achat et de mesures ciblées comme l’indemnité inflation ou le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5 %, relève l’Insee. Mais les inégalités se creusent et 6,8 millions de Français les plus modestes ont dans le même temps vu les aides au logement baisser et celles pour pallier l’interruption des activités liée à la crise sanitaire du Covid-19 s’interrompre, ajoute l’institut.
« Cela montre que lorsqu’il y a une action de l’État pour compenser une dégradation de la situation, cela a des effets qui permettent au moins de limiter la casse. Mais la casse est toujours là, on est toujours à des niveaux élevés, au-delà de la barre des 9 millions, et ça c’est inquiétant, surtout qu’on ne sait pas si certaines mesures seront maintenues », a réagi auprès de l’AFP Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
Les associations appellent à l’action
Surtout, ajoute le responsable associatif, « il ne faut pas se contenter de stabiliser la pauvreté, il faut avoir une véritable politique de réduction ». Or « les plans pauvreté n’ont jusqu’à présent pas porté leurs fruits parce qu’il y a un tabou sur les prestations sociales et les minima sociaux ».
« Nous sommes inquiets parce que nous ne sentons pas une véritable volonté de faire changer les choses », a également assuré, sur franceinfo, Marie Aleth-Grard, la présidente d’ATD Quart-Monde. « On ne va quand même pas laisser sur le bord de la route plus de neuf millions de personnes. Ce n’est pas possible », a-t-elle interpellé.
« Il n’y a pas moins de pauvres, donc ce n’est pas une bonne nouvelle et il n’y a pas de quoi se féliciter », ajoute Noam Leandri le président du Collectif Alerte, qui réunit 34 associations de lutte contre la pauvreté. Et il y a urgence à agir. En attendant un nouveau « plan pour les solidarités » qu’il appelle de ses vœux, le Collectif Alerte demande une « revalorisation anticipée des minima sociaux et des allocations familiales ». Pour Marie Aleth-Grard aussi, il faut « des mesures structurelles qui changent vraiment la vie des gens ». Et en particulier « une hausse des minima sociaux qui permettent de vivre dignement et non d’être en état de survie à longueur de temps, de l’emploi décent et durable et un logement ».
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