Carolina Gonzalez, alias « la Carologie » sur les réseaux sociaux, a déjà eu affaire à des marques qui souhaitaient lui faire dire des choses : vendre leurs produits à l’aide d’éléments de communication rodés, soit un « wording » (l’art de choisir les bons mots pour une communication efficace) bien précis, selon le jargon du milieu.
Ses 281 000 abonnés visionnent alors cette publicité pour laquelle « certaines marques demandent à ce que cela ne se voit pas que c’en est une ». Ce genre de proposition, Carolina le refuse, car « une pub reste une pub. Je ne vais pas mentir à mes abonnés », soutient la créatrice de contenus à l’écran, animatrice en milieu scolaire à la ville pour compléter ses revenus. Ce type de demande a cessé depuis qu’elle est accompagnée par l’agence d’influence engagée OVW.
Selon un sondage réalisé par l’agence de communication et de marketing Talkwalker, 30 % des marques considèrent cette stratégie de promotion comme une priorité stratégique, leur permettant d’augmenter la visibilité de leurs produits. Et 40 % d’entre elles investissent plus de 10 000 dollars par an dans le marketing d’influence.
Mise sur le devant de la scène sous les flashs téléphoniques des influenceurs, cette pratique est un canal promotionnel privilégié pour les marques. Au lieu de financer de la publicité sur des supports traditionnels comme la télévision, la radio ou la presse écrite, le bien ou le service à vendre atterrissent derrière la caméra des créateurs de contenus, qui en font la promotion.
« L’influenceur est considéré comme un consommateur qualifié et plus écouté que les autres, il présente les produits qu’il consomme lui-même », explique Joseph Godefroy, sociologue et spécialiste de l’influence sur les réseaux sociaux. Rares sont ceux parmi les 150 000 créateurs de contenus en France à ne pas réaliser de partenariats avec des marques. Et cela pourrait représenter 38,2 milliards de dollars dans le monde d’ici à 2030, selon les prévisions de Guillaume Doki-Tohnon, président de l’agence Reech, dans le magazine CB News.
Des mises en scène partenariales
Marque incontournable en la matière, NordVPN apparaît dans un grand nombre de vidéos publiées sur le média social YouTube. Ce service de réseau privé virtuel a conclu des partenariats avec les influenceurs dont les abonnés se comptent en millions. Parmi eux : Squeezie (18,9 millions d’abonnés), Cyprien (14,5 millions d’abonnés sur YouTube) et Amixem (8,51 millions d’abonnés).
Après quelques clics et une brève introduction, le youtubeur Squeezie incite son audience à avoir recours à un VPN (Virtual Private Network, réseau privé virtuel en français) à l’aide de petites saynètes. Un personnage fictif, au design de dessin animé, réserve un voyage à l’aide de cet outil pour réaliser quelques économies.
« Abonnez-vous à NordVPN au meilleur prix via mon lien en description et merci à eux d’avoir sponsorisé cette vidéo », conclut-il avant de reprendre la trame de sa vidéo dédiée au conte d’histoires angoissantes, intitulée « N’allez pas à ces événements ». « Le retour sur investissement est mesurable grâce aux codes promo et aux liens que nous donnons à chaque créateur de contenus avec qui nous collaborons. Ce sont des métriques très importantes », établit Tom Babic, manager en marketing d’influence à NordVPN.
Pas de doute quant au fait qu’il s’agit d’un partenariat : lors du visionnage de la vidéo de Squeezie, un bordereau s’affiche en haut à droite de l’écran, précisant « Inclut une communication commerciale ». Depuis la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale, la mention qu’il s’agit là d’une « publicité » ou d’une « collaboration commerciale » est obligatoire, sous peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Une publicité plus humaine
Ces contenus sont bien loin des codes classiques de la publicité. « Avoir recours à des influenceurs pour faire la promotion de biens ou de services permet d’humaniser et d’incarner le message promotionnel », estime Joseph Godefroy. Selon l’enquête réalisée par Harris Interactive en mars 2018, 48 % des 18-24 ans pensent que la publicité via les collaborations marques-influenceurs est personnalisée et 41 % la considèrent comme étant efficace.
Le « gifting », en français « offrir un cadeau », est une pratique courante dans le milieu de l’influence. Les marques envoient leurs produits de façon totalement gratuite aux influenceurs. En contrepartie, elles s’attendent à ce qu’ils donnent leur avis sur les réseaux sociaux, faisant de toute façon parler de la marque, que le bien ou le service plaisent ou non. Le sociologue et expert du milieu de l’influence Joseph Godefroy estime que « les créateurs de contenus n’auraient pas de mal à faire requalifier leur statut d’emploi » dans ce genre de cas et ainsi réclamer une rémunération pour ce travail.
Tom Babic nous livre la clé d’un bon partenariat : une campagne réussie est celle où les créateurs de contenus ont le plus de liberté, « ils peuvent mettre en scène le produit avec leur expérience personnelle ou une touche d’humour ». Cela signifie également que l’influenceur choisi pour la campagne constitue l’image de marque de l’entreprise, raison pour laquelle le manager en marketing d’influence évite ceux qui seraient « visés pour de mauvaises pratiques » ou « trop politisés ». C’est pour cela que Carolina Gonzalez, dont les sujets de prédilection sont les droits des personnes LGBT+, l’emprisonnement et l’inceste, ne se voit proposer que très peu de partenariats, tant ses contenus ne se prêtent pas à la commercialisation de produits en tout genre.
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