Finale du 400 mètres féminin. Ce 16 octobre 1968, aux jeux Olympiques de Mexico, la Britannique Lillian Board fait figure sans conteste de grande favorite. Le départ est donné. Sur les 300 premiers mètres, c’est elle qui domine logiquement la course.
Mais, contre toute attente, à la sortie du dernier virage, au couloir 5, la sprinteuse à la crinière brune, dossard 117, dépasse une à une ses adversaires sur la ligne droite et s’impose en 52 secondes et 3 centièmes. La médaillée d’or olympique est française.
Elle a 22 ans, s’appelle Colette Besson et est quasiment inconnue. « D’où venez-vous ? Où travaillez-vous ? Quel âge avez-vous ? » demandent d’emblée, interloqués, les journalistes. Elle, répond avec le sourire, tout simplement : « Je ne pensais pas gagner, mais enfin, après 300 mètres de course, je me suis dit pourquoi pas. Tu es très bien. Continue. Allez ! Et puis ça s’est passé comme ça. » Pour expliquer cette victoire, un « miracle » comme la qualifient certains, il faut remonter quelques mois dans le temps.
De Font-Romeu à Mexico
Mai 68. La révolte gronde partout en France et la grève générale bloque le pays. Tous les établissements scolaires sont fermés. Colette Besson, professeure d’éducation physique dans une école primaire de Gironde, se retrouve de fait au chômage technique. « Mexico est à plus de 2 200 mètres d’altitude. Il faut savoir s’y adapter et j’ai pu partir très tôt m’entraîner en altitude, à Font-Romeu, dans les Pyrénées », explique-t-elle.
La jeune femme s’entraîne très dur, dort sous tente durant plus de quatre mois. Et arrive fraîche pour la compétition alors que ses concurrentes souffrent de l’altitude. « Les 80 000 personnes présentes en tribune m’ont portée. Je me demandais ce qui m’arrivait ! Je voyais toutes mes adversaires grimacer et moi je me sentais très, très à l’aise. Comme si j’avais des ailes. » Une fois sur le podium, l’athlète pense à ses parents, qui ont loué une télévision pour l’occasion, mais surtout à Yves Durand Saint-Omer, son entraîneur.
Elle sait qu’il est dans les gradins, interdit de l’encourager sur le stade. La fédération n’appréciant guère ses méthodes jugées peu ordinaires ni son franc-parler, elle ne lui accorde pas l’autorisation de se rendre au Mexique. Qu’importe. Il paie son propre billet d’avion. Sur place, faute d’accréditation, il va tromper le service de sécurité en falsifiant sa carte de pêche et parvient à entrer dans le stade.
Au moment de la remise des médailles, bien des sentiments se mêlent dans la tête de Colette Besson, qui fond en larmes. Il y a la passion du sport, mais aussi un goût amer. Avec son entraîneur, ils ont eu « beaucoup de bâtons dans les roues pour arriver à Mexico », racontera-t-elle. La championne peut savourer sa revanche : elle sera la seule médaille d’or en athlétisme.
La « petite fiancée de la France »
Son retour en France est triomphal, avec une foule en délire qui l’attend en gare de Bordeaux puis dans sa ville natale, à Saint-Georges-de-Didonne, en Charente-Maritime. Colette Besson est devenue pour toujours la « petite fiancée de la France », selon l’expression d’Antoine Blondin. « Elle était devenue une star. Elle aimait les gens, passer du temps à les écouter. Elle était très disponible et dégageait un charisme extraordinaire », se souvient l’écrivain.
Partout où elle passe, elle laisse une trace indélébile. Les inaugurations de complexes sportifs à son nom se multiplient. Il y en a une centaine aujourd’hui. En 1969, la Charentaise se classait première ex æquo au temps avec sa compatriote Nicole Duclos aux championnats d’Europe d’Athènes dans les temps de 51 s 7, ce qui constituait un nouveau record du monde. Mais le chronométrage était alors manuel. Et le jury a déclaré Nicole Duclos victorieuse.
Si elle met fin à sa carrière d’athlète en 1977, elle reste néanmoins fidèle au terrain. Entraîneuse nationale au Togo, elle rencontre son futur mari avec qui elle aura deux filles. Celle qui dit éprouver le besoin de courir « comme de manger, de respirer et de dormir », continue d’enseigner et de promouvoir le sport, et fait de la lutte contre le dopage une priorité.
En 2002, la ministre des Sports Marie-George Buffet la nomme présidente du Laboratoire national de dépistage du dopage. Colette Besson avait révélé le mal qui la rongeait en juillet 2003, peu avant les championnats du monde d’athlétisme de Paris.
Le cancer du poumon l’emporte à l’âge de 59 ans, le 9 août 2005. Il faudra attendre vingt-quatre ans pour voir une compatriote lui succéder. À Barcelone, en 1992, elle assiste à la victoire de Marie-José Pérec sur la distance. « J’étais folle de joie », dira la légende Colette Besson à la personnalité hors du commun.
Avant de partir, une dernière chose…
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