Après le résultat des élections législatives, quelle suite désormais ? Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes-Europe Ecologie Les Verts, l’une des figures les plus en vue du Nouveau Front populaire participe aux discussions à gauche avec les leaders de LFI, du PS et du PCF. Elle répond à nos questions.
Vous avez engagé des discussions à gauche. Avez-vous dégagé des pistes de noms pour Matignon ?
Nous sommes au travail. La situation politique est complètement inédite, nous devons la prendre en compte. Ce n’est pas facile, confortable ni évident, tous vos lecteurs l’imaginent bien, mais nous avançons, nous sommes très concentrés, nous prenons les problèmes unpar un et nous allons y arriver !
Les discussions sont sereines, apaisées, à la hauteur de ce que l’Histoire attend de nous dans cette période.
Quels sont vos critères pour désigner ce candidat au poste de Premier ministre ?
Pour les écologistes, la bonne approche est de trouver le bon profil plutôt que d’arbitrer en fonction d’un rapport de force interne au Nouveau Front populaire (NFP).
Il y a quatre critères essentiels. Premièrement, trouver une personne qui adhère totalement au programme du NFP, capable de le porter avec sincérité. Deuxièmement, une personne qui fédère au sein du NFP, car si c’est une personne qui crispe, on aura du mal à être compact et à embarquer tout le monde.
Troisièmement, une personne qui soit capable d’apaiser le pays, qui en a bien besoin. Quatrièmement, une personne qui a la compétenceet l’expérience. Il y a donc des noms de socialistes, insoumis, écologistes et communistes qui correspondent à ces critères et même des femmes !
Olivier Faure est candidat. L’êtes-vous aussi ? Vous accepteriez si Matignon vous était proposé ?
La question pour moi n’est pas qui, mais d’abord pour quoi faire.
Vos critères de désignation excluent Jean-Luc Mélenchon ?
Cette question est déjà résolue pour moi. Jean-Luc Mélenchon a dit qu’il ne s’imposerait pas, d’autres ont dit que cela ne devait surtout pas être lui, j’ai trouvé ces réponses convergentes…
Vous deviez annoncer à l’origine un nom d’ici à la fin de la semaine, ce n’est plus le cas ?
Il n’est pas impossible qu’on y arrive, mais c’est normal que cela prenne un peu de temps.
On a construit le programme du Nouveau Front populaire en quatre jours et quatre nuits. Pour trouver la bonne personne, mais surtout déterminer comment nous allons gouverner, appliquer notre programme pour réparer, protéger, apaiser ce pays. Il est important là aussi de bien faire les choses.Mais il ne faut pas que cela prenne trop de temps, on ne peut pas y passer tout l’été, car il y a des Français qui attendent des mesures concrètes d’urgence sociale et environnementale.
Je pense beaucoup aux 1,6 million de mamans à la tête d’une famille monoparentale, beaucoup d’entre elles ont voté pour nous notamment parce qu’on promettait le chariot de courses de fournitures scolaires gratuit pour la rentrée.
Si on arrive à leur épargner cette dépense, cela leur permettra peut-être d’amener leurs enfants une journée à la mer, et peut-être que ce sera leur seule vacances. Et ce raisonnement est aussi valable pour des papas solo. Quand on fait de la politique, c’est pour changer la vie des gens, pas pour se perdre dans des considérations tacticiennes d’ego.Nous sommes là pour faire des choses concrètes, c’est ça qui m’obsède.
Pour faire passer des mesures concrètes, vous avez besoin d’une majorité, êtes-vous prête à composer une alliance au-delà du Nouveau Front populaire ?
Notre programme a une grande légitimité populaire, si nous formons ce gouvernement et que nous mettons sur la table la taxation des superprofits, qui va venir s’opposer à cette mesure alors que 80 % des Français y sont favorables ? Qui va refuser les fournitures scolaires offertes aux enfants ? Qui refusera les premiers mètres cubes d’eau gratuits ? Ceux qui refuseront les mesures de justice sociale et environnementale en porteront l’entière responsabilité.
Rappelons que les députés macronistes ont été sauvés par nos électeurs. Il ne faut pas qu’ils l’oublient. Or 73 % des Français veulent une rupture politique avec le Macronisme après avoir souffert de ces politiques qui ont fracturé et appauvri le pays.
Des membres de l’ancienne majorité macroniste vous tendent la main et se disent prêts à gouverner avec une partie du Nouveau Front populaire, hors LFI, êtes-vous prête à examiner ces propositions ?
Je pense qu’il faut laisser dégorger les escargots ces jours-ci (j’utilise cette expression au sens figuré, je suis très respectueuse des droits des animaux et moi même végétarienne mais vous voyez l’image…), car dans le camp macroniste, certains sont dans le déni total.
Le Nouveau Front populaire doit être dans la modestie, mais eux ne peuvent pas être dans le déni. C’est le paroxysme du en même temps, ils nous l’ont servi à toutes les sauces et là on nous explique quand même que alors que nous avons gagné dimanche, eux n’auraientpas tout à fait perdu… Il faut arrêter cette plaisanterie.
Avez-vous eu les uns et les autres des contacts avec Emmanuel Macron ou des représentants de son camp ?
Non, nous n’avons eu des contacts que la semaine dernière sur la question des désistements républicains. Pas depuis.
Un vote important se profile pour la présidence de l’Assemblée qui pourrait dessiner la majorité de demain. Savez-vous quel candidat vous allez proposer pour le perchoir ?
C’est un sujet qui est en discussion en ce moment-même chez nos députés écologistes. Ils ont toute ma confiance et mon soutien sur le sujet.
Êtes-vous prêts à soutenir un gouvernement macroniste ou un gouvernement technique en attendant une éventuelle coalition ?
Je vous renvoie sur ce point au déni du camp présidentiel…
Qu’attendez-vous d’Emmanuel Macron ?
La logique institutionnelle dicte à Emmanuel Macron qu’il décroche son téléphone et appelle les chefs de partis du Nouveau Front populaire pour leur demander un nom de Premier ministre.
Manifestement ça lui prend un peu plus de temps que prévu, c’est son droit, c’est son choix, mais il ne pourra pas changer la logique institutionnelle de ce pays. Il a pris la décision de dissoudre l’Assemblée nationale, catastrophique pour lui et son camp. Il l’a décidé seul, il doit maintenant en assumer les conséquences et aller au bout de sa logique.
De notre côté, en quatre semaines, nous sommes parvenus à créer le Nouveau Front populaire et à remporter l’une des victoires surprises les plus belles de l’histoire politique européenne.
Le 10 juin au matin, Emmanuel Macron était à Oradour-sur-Glane et disait “je leur ai jeté une grenade dégoupillée entre les jambes”. Il était manifestement très fier de son idée.
Il nous a complètement sous-estimé. Il se disait qu’on ne trouverait pas d’accord sur le programme ni sur les circonscriptions, qu’on n’arriverait pas à faire campagne et gagner, et tout ça on l’a fait.
Maintenant, certains disent qu’on n’arrivera pas à gouverner. Je peux vous le dire avec la même détermination avec laquelle on a franchi tous les obstacles précédents : on va y arriver.