Sous un ciel qui perd de son éclat, une foule se presse sur les pavés de la place de la République. L’heure n’est plus à l’hésitation. Alors que le 30 juin, le Rassemblement national, allié à Eric Ciotti, président du parti Les Républicains (LR), a cumulé 33,2 % des voix au premier tour des élections législatives, des milliers d’individus ont décidé de faire de l’une des places les plus iconiques de Paris, le porte-voix du « front démocratique ». En effet, sous les coups de 19 heures, près de 60 000 personnes se sont rassemblées pour contrer le danger imminent de l’extrême droite à l’appel d’une centaine d’organisations et médias dont l’Humanité.
« Nous vivons un grand moment de lutte »
Sur place, les militants sont pugnaces. « L’extrême droite, c’est le porte-étendard des politiques antisociales, racistes et xénophobes. La combattre c’est une question de survie, d’égalité et de liberté », s’époumone Murielle Guibert, co-secrétaire général de Solidaires. Alors que les prises de paroles s’enchaînent depuis 18 heures, les représentants de l’intersyndicale qui a appelé à barrer la voie du Rassemblement national rejoignent la scène (la CFDT, la CGT, l’UNSA, le FSU et Solidaires ont signé un communiqué commun contre l’extrême droite le 1er juillet).
« Rien ne sera épargné même la liberté de la presse et nous ne voulons pas laissez faire », poursuit Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’UNSA. Même Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, alors en déplacement plus tôt dans la journée à Champigny (Val-de-Marne) a tenu à participer à la mobilisation. « Face au danger qui nous guette, nous sommes obligés de nous rassembler. La création du front républicain s’est faite dans la douleur mais ce n’est pas fini, affirme la cégétiste. Nous vivons un grand moment de lutte et c’est le rôle des syndicats que de faire partie de la bataille ».
Dans le public, des sourires s’affichent sur les visages ô combien riches en diversité. Des jeunes femmes et hommes mêlés à des personnes un peu plus âgées ont répondu présent. Il suffit d’entendre les chants des participants au rassemblement pour comprendre l’émotion suscitée par le résultat du premier tour : «*Siamo tutti antifascisti » puis « la jeunesse emmerde le Front national ».
La mobilisation possède des allures de campagne électorale… à l’exception près qu’elle a été organisée par la société civile. « Il est urgent d’agir. Nous pouvons éviter la catastrophe le 7 juillet en donnant les clés de l’Assemblée nationale au parti d’extrême droite même si nous avons déjà atteint un point critique », confie Dominique Sopo, président de SOS Racisme, déjà présent au premier meeting unitaire du Nouveau Front populaire organisé par Julia Cagé le 17 juin à Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
À quelques pas du président associatif se trouve l’ancien numéro 15 de l’équipe de France de football, Lilian Thuram. Connu sur les terrains comme pour son engagement contre les inégalités, l’auteur du Manifeste pour l’égalité appelle « à voter » contre le parti présidé par Jordan Bardella et se satisfait qu’être « Français n’est pas une question de couleur ni de religion ». Des propos qui s’opposent à l’infâme proposition du RN de d’interdire les « emplois sensibles » aux « binationaux ».
Vers les coups de 21 heures, les prises de paroles des syndicats et associatifs s’estompent pour laisser plusieurs artistes issus de la scène rap française s’emparer de la scène. Prince Waly, Jäde, Théodora, Ben PLG et consorts se succèdent tandis que le public s’enflamme. De l’espoir est permis avant le résultat de dimanche. En espérant qu’il provoque la même chaleur.
*Nous sommes tous des antifascistes