Depuis cet hiver et le déclenchement du mouvement de colère des agriculteurs, le Rassemblement national (RN) tente d’obtenir les suffrages d’un potentiel électoral de 390 000 voix.
Si le programme de Jordan Bardella pour les législatives anticipées affirme vouloir « refaire de l’agriculture un instrument du rayonnement et de l’excellence de la France », les quelques mesures égrainées sonnent faux au vu des votes des députés frontistes à l’Assemblée nationale comme au Parlement européen.
Le parti d’extrême droite propose ainsi de « renforcer les contrôles des importations pour mettre fin à la vente de produits étrangers ne respectant pas les normes françaises ». Une façon de déjouer la concurrence internationale déloyale.
Abstention sur les traités de libre-échange
Mais gare à l’arnaque. « En octobre 2020, les eurodéputés du Rassemblement national se sont abstenus sur les traités de libre-échange ! » rappelle le Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), qui souligne, dans son appel à faire barrage à l’extrême droite, que ce parti accompagne le « modèle économique capitaliste et ultralibéral » en cours dans l’agro-industrie.
Un modèle d’autant plus destructeur que « le RN ne se soucie pas de la manière dont nos exportations impactent celles des autres pays », explique Véronique Marchesseau, secrétaire nationale de la Confédération paysanne.
Le 4 octobre 2022, une étude du Réseau action climat, Oxfam et Greenpeace montrait que les filières françaises les plus exportatrices (lait, porc et volaille de chair) envoyaient majoritairement des produits animaux à faible valeur ajoutée vers des pays en voie de développement pour concurrencer les producteurs dont les coûts de production sont moins élevés. « Des productions excédentaires envoyées vers l’Afrique de l’Ouest qui déstabilisent les marchés locaux », dénonce la secrétaire générale de la Confédération paysanne.
Seuls 12 députés (sur les 88) du groupe étaient présents
Autre contradiction : Jordan Bardella assure vouloir « garantir des prix rémunérateurs pour les agriculteurs ». Pourtant, le 23 novembre 2021, les eurodéputés du RN ont voté avec les macronistes et « Les Républicains » la dernière politique agricole commune (PAC). Celle-ci accorde encore la majeure partie de ses subventions en fonction du nombre d’hectares cultivés.
Une répartition qui favorise les grosses exploitations n’employant que peu de main-d’œuvre. Pire : en octobre 2020, les eurodéputés RN ont voté contre un amendement proposant un plafonnement des aides PAC à 60 000 euros par an. Les grands exploitants peuvent continuer à se gaver.
Au rayon des boniments, le RN prétend aussi vouloir garantir des prix justes pour les agriculteurs. Mais il s’est abstenu, le 4 avril 2024, de voter la proposition d’EELV « visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole » à l’Assemblée nationale. Seuls 12 députés (sur les 88) du groupe étaient présents pour ce vote…
Quant au projet de généralisation de l’étiquetage « sur l’origine et la qualité des produits alimentaires », Véronique Marchesseau a un jugement bien tranché : « La volonté de ce parti est de vouloir imposer aux citoyens de manger français. Mais il ne cherche pas à ce que notre agriculture soit qualitative, respectueuse, meilleure pour l’environnement ou qu’elle rémunère mieux les paysans et les paysannes. »
Suppression des normes environnementales
Au contraire, tout à son idée fixe de vouloir supprimer les normes environnementales (sur les néonicotinoïdes, le glyphosate, le plan Ecophyto) qui entraveraient la productivité, Grégoire de Fournas, porte-parole RN sur les questions agricoles, est l’auteur d’une proposition de loi visant au « transfert de compétence d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques de l’Anses au ministère de l’Agriculture ». « De véritables cadeaux aux groupes agrochimiques tels que Bayer au détriment de la santé de nos agriculteurs et concitoyens », commente Greenpeace.
Même le dernier point du programme, destiné à lancer un grand plan « Manger français » en obligeant les cantines « à utiliser 80 % de produits agricoles français à l’horizon 2027 », confine au paradoxe. Le RN a en effet voté, le 17 mai, contre un amendement à l’Assemblée nationale demandant « qu’à partir de 2027, 100 % des viandes bovines, porcines, ovines et de volaille servies dans les restaurants collectifs gérés par l’État, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales proviennent d’animaux élevés en France ».
Tout cela fait dire à Véronique Marchesseau : « Si jamais le Rassemblement national parvenait à obtenir une large majorité, nous serions très inquiets parce que le modèle agricole que nous défendons sera encore peut-être plus attaqué qu’il ne l’est aujourd’hui. »
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