Pour son initiateur Gabriel Attal, la réforme de l’assurance-chômage s’était transformée en bâton enduit de matières fécales. A tel point qu’après avoir pris acte des très mauvais résultats du camp macronien aux législatives anticipées, le premier ministre a annoncé tard ce dimanche soir enterrer le décret qui devait mettre en musique cette réforme régressive pour les droits des chômeurs.
“Cette réforme pourra ainsi faire l’objet d’aménagements, de discussions entre forces républicaines. Il s’agit du premieracte de Gabriel Attal dans l’esprit des futures majorités de projets et d’idées qu’il a évoquées ce soir”, expliquait-on dans son entourage. Vendredi déjà, le ministère du Travail avait indiqué que ce texte organisant le nouveau resserrement de l’accès aux droits à indemnisation pour les chômeurs serait publié au plus tôt ce lundi. Deux scénarios étaient dès lors possibles. Une version minimaliste, dite « de jointure », pouvait être imprimée au Journal officiel ce 1er juillet pour « faire en sorte que les chômeurs continuent à être indemnisés », les règles en vigueur n’ayant été prolongées qu’au dimanche 30 juin à minuit. Mais un scénario d’entêtement et de jusqu’auboutisme du gouvernement restait tout aussi bien possible, mettant en place un tour de vis budgétaire dont l’objectif demeurait de réaliser 3,5 milliards d’euros d’économies en année pleine sur le dos des privés d’emploi.
« Ce décret doit être en fin de vie »
Dès vendredi, Sophie Binet avait pris la parole pour prévenir ce second scénario qui aurait mis le feu à l’entre-deux-tours des législatives. « Ce gouvernement est en fin de vie. Ce décret doit être en fin de vie. L’enjeu, pour la suite de la réforme de l’assurance-chômage, c’est évidemment ce qui va se passer dans les urnes le 30 juin et le 7 juillet », avait expliqué la secrétaire générale de la CGT. Sa mise en garde faisait écho aux propos tenus il y a huit jours par la ministre du Travail. Sur BFMTV, Catherine Vautrin s’arc-boutait encore sur son décret, « parce que dans cette campagne, vous entendez un certain nombre de Français qui disent ”moi, je n’arrive pas à recruter” », et parce que « notre système social coûte 670 milliards d’euros ».
Les nouvelles règles d’indemnisation telles qu’inscrites dans ce décret auraient asséner un nouveau coup de bambou aux privés d’emploi. Ce cinquième changement depuis 2017 dans les calculs régissant l’Unédic avait pour but de couper 3,5 milliards d’euros dans l’indemnisation des chômeurs. Une somme à laquelle il aurait fallu ajouter 1,5 milliard d’euros de ponction de l’État dans les caisses de l’Unédic pour financer France Travail.
Car au 1er décembre prochain (quatre mois de délai sont donnés aux services informatiques pour prendre en compte les nouvelles mesures), pour obtenir une allocation, il aurait fallu au néo-chômeur avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers précédant la perte d’emploi (contre six mois sur les vingt-quatre derniers mois actuellement). Et la durée maximale d’indemnisation aurait dû diminuer de dix-huit à quinze mois.
38 centimes en plus par jour
Le gouvernement d’Attal n’était pas le seul à s’en donner à cœur joie contre les chômeurs. Sous pression patronale, le conseil d’administration de l’Unédic a décidé jeudi une augmentation moyenne de 1,2 % à partir de ce lundi 1er juillet. Soit en dessous de l’inflation. Les demandeurs d’emploi bénéficiant de l’allocation minimale vont ainsi recevoir 38 petits centimes de plus chaque jour à leurs 991,07 euros brut par mois.
Pour la CFDT, il s’agit d’une « déception amère. (…) Le patronat a fait une première proposition de revalorisation à hauteur de 1 % et n’a accordé que 1,2 % après une suspension de séance », explique dans un communiqué le syndicat, qui plaidait pour + 2,5 % et « a été contraint de s’abstenir, ainsi que les autres organisations syndicales. (…) Une opposition aurait conduit à une absence de décision qui aurait pénalisé les demandeurs d’emploi ».
La CGT, qui revendiquait 10 euros minimum supplémentaires par jour, dénonce « l’extrême faiblesse de cette revalorisation pour les personnes privées d´emploi indemnisées, dont 40 % sous le seuil de pauvreté, et alors que 62 % des inscrites à France Travail ne sont pas ou plus indemnisées. Dans le même calendrier, le gouvernement s’apprête à publier son cinquième décret depuis 2017, avec les baisses les plus violentes jamais vues : 300 000 travailleurs précaires exclus de l’indemnisation et 1 million connaissant une baisse importante ».
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