La gauche s’est-elle tendu un piège à elle-même ? À tout le moins, elle ne s’est pas facilité la tâche pour mener une campagne éclair dans une Ve République hyperpersonnalisée. Le Nouveau Front populaire (NFP) a fait, dans l’urgence et faute de candidat naturel, un choix. Ou plutôt un non-choix : repousser à l’après-7 juillet la désignation du futur premier ministre en cas de victoire. C’est la potentielle majorité qui tranchera.
Fin du débat ? Au contraire. L’épineuse question obsède les médias qui ne ratent jamais une occasion d’enfoncer un coin. Pour conduire la bataille des législatives anticipées, le Rassemblement national (RN) a Jordan Bardella, la Macronie Gabriel Attal et la gauche leur oppose… « un collectif », répète-t-on dans les différents états-majors. Comme pour fermer le ban.
Mais « la nature a horreur du vide », dit l’antienne. Un vide que certains cherchent à combler avec plus ou moins d’insistance. Quitte à risquer de parfois fragiliser le collectif. Ce week-end aura été le dernier – mais probablement pas l’ultime – épisode en date d’une série qui dure déjà depuis dix jours.
Hormis à la France insoumise, personne n’a envie de rejouer la musique de 2022 sur l’air de « Mélenchon premier ministre »
Sur France 5, samedi 22 juin, Jean-Luc Mélenchon a réaffirmé être « bien évidemment » prêt à faire son entrée à Matignon : « Je ne m’élimine pas et je ne m’impose pas. » Avant d’ajouter avoir « l’intention de gouverner le pays ». Il n’en fallait pas plus pour que la polémique prenne. François Hollande, ex-président de la République et candidat PS en Corrèze, lui a alors demandé de « se taire » et de « se mettre de côté » car, « quand il y a autant de rejet, il faut avoir le sens de l’intérêt général ».
« L’idée d’une nomination au poste de premier ministre de Jean-Luc Mélenchon, qu’il alimente lui-même, n’a jamais fait l’objet d’un accord entre les forces du Front populaire », a écrit Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et candidat dans le Nord.
L’obstination du triple candidat insoumis à la présidentielle et de sa garde rapprochée à rester dans le match pour Matignon fait aussi les affaires des macronistes et de l’extrême droite. Ravis que cette personnalité puisse être un repoussoir pour une partie de l’électorat, Gabriel Attal comme Marine Le Pen répètent à l’envi que le premier ministre de la gauche « sera Jean-Luc Mélenchon ».
Et ce, même si le premier secrétaire du PS Olivier Faure assure que non et que son homologue écologiste Marine Tondelier affirme qu’elle « retien
Le NFP fait « le choix d’une incarnation diverse, multiple, avec un accord sur le programme »
Jean-Luc Mélenchon est cependant loin d’être le seul à s’être ainsi avancé pour Matignon. La liste est longue. Dès le 10 juin, au tout début des négociations du NFP, Raphaël Glucksmann (Place publique) avait suscité des tensions en lançant le nom de l’ex-numéro 1 de la CFDT Laurent Berger, sans écarter le sien.
Plus tard dans la semaine, François Ruffin (Picardie debout) et Fabien Roussel s’étaient aussi dits « capables » d’assurer la fonction. Tout comme l’insoumise Clémentine Autain. Circulent également les profils des socialistes Boris Vallaud, Valérie Rabault, Carole Delga, de l’ex-ministre écologiste Cécile Duflot ou des membres de la direction de la FI comme Mathilde Panot, Manuel Bompard et Clémence Guetté.
« La discussion sur l’identité du premier ministre est prématurée. Son profil dépendra de la majorité dont on disposera. Nous faisons le choix d’une incarnation diverse, multiple, avec un accord sur le programme », coupe court Ian Brossat, porte-parole du PCF.
Pour affronter les autres premiers ministres putatifs Jordan Bardella et Gabriel Attal ou leurs envoyés, les chefs des quatre principaux partis du NFP se sont réparti les différents débats : Manuel Bompard (TF1), Olivier Faure (France 2), Marine Tondelier (BFMTV) et Fabien Roussel (CNews).
Sur le terrain, plusieurs candidats assurent que l’incertitude sur l’identité du futur locataire de Matignon n’est pas forcément un obstacle. « Les gens savent qu’ils votent d’abord pour un député et surtout un programme. Le collectif est un avantage », affirme Noé Gauchard, insoumis qui affronte l’ancienne première ministre Élisabeth Borne dans le Calvados. « Les Français en ont marre de l’hyperprésidentialisation, complète l’écologiste Sandra Regol, en campagne à Strasbourg. Nous poussons pour une VIe République parlementaire. C’est donc cohérent. »
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