Face au grand départ des 24 Heures du Mans, qui peut rivaliser ? Sur l’écran plat qui trône au fond du Café de l’Avenir d’Hallencourt, commune rurale de 1 286 habitants de la Somme, des voitures, encore des voitures. Éric, 61 ans, gérant des lieux, campé derrière le comptoir, télécommande en main, l’assume. Qu’importe si, au même moment, près de 650 000 personnes défilent dans les rues du pays pour dire leur refus de l’extrême droite : il ne basculera pas sur les chaînes d’info. Parce qu’il est « passionné d’automobile », mais pas seulement. « Ils sont tous devenus dingues, souffle-t-il. Macron qui pète un câble, la droite qui s’allie à l’extrême droite, et la gauche qui retourne avec Mélenchon… Moi, je ne veux plus rien savoir d’eux ».
Il a pourtant toujours voté et le fait toujours, sans préciser pour qui. « Par devoir républicain » et héritage familial, promet-il. Lui, l’ancien de la vallée de la Nièvre, où ses parents, « des rouges en lutte », ont servi l’industrie textile toute leur vie. Avant de la voir décliner, puis s’éloigner. Lui-même l’a fait, un temps, jusqu’au moment où il fallait « aller bouffer ailleurs ». Suivront dix-neuf ans au volant, en tant que chauffeur routier, où il a pu côtoyer « tout ce que l’Europe compte de travailleurs exploités et mis en concurrence », puis la suite derrière ce bar. « Ici, on avait tout, raconte-t-il. Même il n’y a pas si longtemps : Goodyear, Whirlpool, ou même Veglia, qui fabriquait les compteurs et les tableaux de bord des bagnoles. C’est fini tout ça, on est condamnés à disparaître et tout le monde s’en fout. »
Un sentiment largement présent ici, où la boucherie doit fermer à la fin du mois tandis que le bureau de Poste est menacé. Que d’autres services tiennent bon, du cabinet infirmier à la boulangerie, n’y fait rien. C’est une « France oubliée », jure-t-on, « par les politiques, les médias, les urbains ». Alors on vote en conséquence : « Pour se signaler. » Le 9 juin dernier, dans cette commune dirigée par un socialiste, le Rassemblement national a recueilli près de 51 % des voix. Avec une participation importante (57 %). Qu’en sera-t-il à l’occasion des élections législatives anticipées ?
« Parler du quotidien et susciter l’espoir »
Au niveau de la troisième circonscription de la Somme, à laquelle appartient Hallencourt, le RN a obtenu lors des élections européennes un peu plus de 46 % des voix, reléguant le bloc de gauche sous la barre des 12 %. Léon Deffontaines, candidat PCF du Nouveau Front populaire ici même après avoir mené la liste Gauche unie, a conscience du défi auquel il se confronte. « On va au combat ! », lâche l’enfant du pays, déterminé, à la sortie de la préfecture d’Amiens où il vient de déposer sa candidature. « Il faut aller partout, s’adresser à tout le monde, mais pas n’importe comment, projette-t-il. Il faut leur parler d’eux, de leur quotidien, puis susciter l’espoir et construire ensemble. »