Le Montpelliérain David Gouard, politologue et maître de conférences en sciences politiques à l’université de Toulouse, décrypte le possible regain de participation annoncé pour les élections législatives anticipées.
Comment expliquer ce regain de participation annoncé ?
Les personnes les plus en retrait de la participation civique sont assez sensibles à l’intensité de la campagne. Or, une dynamique est clairement en train de se créer. C’est d’abord parce que l’offre électorale divisée en trois blocs – RN, Renaissance et ses partenaires, Front populaire – témoigne de lignes de clivage idéologiques fortes, qui font que beaucoup d’électeurs vont se mobiliser en opposition à au moins l’un de ces blocs. Par ailleurs, l’incertitude sur le gouvernement qui sera formé au lendemain des élections, conséquence directe du résultat, entraîne un enjeu majeur pour des législatives. Il pourrait amener deux électeurs sur trois aux urnes, quand, ces dernières années, le scrutin était plus un troisième tour de la présidentielle qui engendrait de faibles niveaux de participation : 48,7 % en 2017, puis 47,5 % en 2022. Les abstentionnistes d’hier peuvent donc être la clé de l’élection.
À quel bloc cela peut-il profiter ?
Schématiquement, ce sont les jeunes et les milieux populaires plutôt urbains qui se tiennent à l’écart des élections. Plus la densité du scrutin est forte, plus l’écart avec les autres catégories sociales se réduit. Si cette remobilisation électorale supposée a lieu, elle serait plutôt favorable à la gauche, en particulier au segment LFI, qui est le plus susceptible de recruter dans ces milieux populaires. Ce phénomène est observable depuis la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017 et les dernières élections européennes l’ont encore démontré. Seul bémol pour la gauche : une campagne trop courte pour mobiliser des militants sur le terrain et qui se joue plutôt dans les médias ou les réseaux sociaux.
Ne dit-on pas qu’une partie de la jeunesse vote aussi RN ?
Le vote RN est plus difficile à anticiper. Il est certes plus interclassiste et plus intergénérationnel qu’il ne l’était auparavant, mais la jeunesse de son électorat n’est pas aussi marquée qu’à gauche. La mobilisation n’aura donc pas forcément beaucoup d’effet. Elle en aura plus, mais négativement, pour le groupe centriste, qui recrute surtout chez les personnes plus âgées et dans les milieux sociaux plus aisés, où la participation reste toujours égale.
Le piège pourrait donc se refermer sur le bloc macroniste ?
C’est une éventualité, dans la mesure où la stratégie du Président semblait être de prendre de court, avec une campagne éclair, la gauche d’une part et les Républicains de l’autre. C’est raté. Il ne peut qu’espérer que la crainte d’une situation de crise n’amène les électeurs de centre gauche et de centre droit à rallier le bloc présidentiel par besoin d’ordre et de stabilité. C’est d’ailleurs la tonalité de sa campagne.
Une forte participation pourrait amener plus de triangulaires…
Avec plus d’électeurs et moins de candidats, mécaniquement, ils seront plus nombreux qu’en 2022 à passer la barre des 12,5 % des inscrits. Cela annonce encore beaucoup de débats sur d’éventuels désistements. L’entre-deux tours sera tout aussi intense.