Sur l’avenue Paul-Vaillant-Couturier, emblématique voie des Quatre-Routes de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), une foule compacte et bigarrée est happée par le tramway T1 et la ligne 7 du métro. Dans la rue, fourmillante, bruyante, on entend parler mandarin, arabe, tamoul, bengali, bambara et bien d’autres langues.
Au cœur du poumon historique de la ville, plus de 110 nationalités se côtoient et près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ici, les marchands de sommeil surfent sur la misère en louant à prix d’or des maisons insalubres construites dans les années vingt par les ouvriers italiens.
S’y entassent des sans-papiers sans grand espoir d’une vie meilleure. Sur la place, dans les squares, ils tentent tant bien que mal de terminer leur nuit. « Tous ces pavillons suroccupés, ça fait mal au cœur », souffle Josiane Le Grill, 78 ans. De son appartement avec vue sur l’avenue, la « pipelette du quartier », comme elle se décrit, est aux premières loges. « Quand je sors de chez moi, je n’entends plus parler français », déplore-t-elle tout en précisant bien que, non, elle n’est pas raciste. Au passage, elle salue le boucher du coin.
Lui, c’est Zillal El Hocine, 35 ans, « kabyle », sourit-il. La Boucherie musulmane, c’est une histoire familiale, il la tient avec son père et son frère. Le commerçant lève la tête vers la devanture : « On va enlever le mot ”musulmane”, ça fait trop communautariste. » Depuis le 9 juin au soir, ce père de trois jeunes enfants, « communiste, progressiste », ne cesse d’appeler à la mobilisation contre le Rassemblement national. « L’extrême droite, c’est pas notre culture ici ! » assène-t-il.