À moins de cinquante jours des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), la CGT dénonce les répercussions que cet événement aura, voire a déjà de façon souterraine, sur l’ensemble des agents du ministère de la Justice. Et ce, sans une reconnaissance salariale à la hauteur des sacrifices subis. Cyril Papon, greffier et secrétaire général de la CGT de la chancellerie et des services judiciaires, explique ce qui a poussé le syndicat à déposer un préavis de grève jusqu’au 30 septembre.
Dans votre préavis de grève, vous pointez les conditions de travail dégradées imposées aux agents pendant les JOP. Comment se traduisent-elles ?
Nous alertons depuis plusieurs mois sur les violations des droits auxquels les Jeux menacent d’exposer l’ensemble des agents œuvrant au sein des services judiciaires, sur fond de dégradation constante de leurs conditions de travail, déjà affectées par une pénurie chronique d’effectifs et de moyens.
À nos questions répétées, nous n’avons obtenu que des réponses floues ou contradictoires. Nous avons pris connaissance de directives calibrant les audiences pénales à huit heures, c’est-à-dire la durée maximale d’une journée de travail.
« La violation de la législation sur le temps de travail est une réalité violente pour les agents »
Or, nul n’ignore que chaque audience impose une préparation en amont et donne lieu, quand elle s’achève, à un certain nombre d’actes. La violation de la législation sur le temps de travail est une réalité violente à laquelle les agents sont déjà quotidiennement confrontés et qui va s’amplifier.
La réponse du directeur des services judiciaires, qui préconise des conditions « le moins dérogatoires possible au droit commun », nous semble très problématique. Cela va à l’encontre de la « circulaire Marylise Lebranchu » de 2001, qui imposait aux chefs de cour et de juridiction de respecter des durées d’audience de six heures au maximum.
Vous évoquez également un impact invisibilisé des JOP ?
Tout à fait. Laisser croire que seules les juridictions directement exposées connaîtront une charge supplémentaire de travail revient à se voiler la face. Les agents du ministère de la Justice sont tous concernés par le surcroît d’activité induit par les JOP. Les répercussions ne toucheront ainsi pas seulement les fonctionnaires qui auront renoncé à leurs congés.
Il y a en réalité un impact caché, invisibilisé, des JO. En effet, un dossier qui va rentrer pendant cette période continuera sa vie pendant plusieurs mois au sein des services qui s’en saisiront par la suite. Mais, vu que ce travail n’est pas du tout exposé, ces collègues risquent d’être écartés d’une gratification.
Par ailleurs, nous avons fait ce constat : en prévision des JO, depuis deux ans, les greffiers sortant des écoles sont d’emblée orientés vers la région parisienne, au détriment de juridictions qui, elles, ne sont pas directement exposées à cet événement.
À cette tendance s’ajoute, lors des campagnes de mutation, un blocage des mobilités pour les collègues souhaitant quitter l’Île-de-France. L’impact est donc bien là pour les juridictions en région, qui ne reçoivent plus les personnels dont elles ont besoin.
Cette opacité sur les mutations a été renforcée par la loi de casse de la fonction publique de 2019, en vertu de laquelle les demandes de mobilité ne sont plus examinées en commission administrative paritaire, portant atteinte à la relative transparence qui prévalait auparavant.
Quelles sont vos revendications ?
Au-delà des primes aléatoires brandies par le gouvernement, qui, à notre sens, détourne l’attention du sujet principal des salaires, nous demandons 10 % d’augmentation immédiate du point d’indice, ainsi que la revalorisation générale des grilles indiciaires. Les agents sont soumis plusieurs années à des rythmes au-delà de leurs limites, sans la moindre reconnaissance.
Nous demandons, en outre, un examen de la durée des audiences par les formations spécialisées en santé et travail afin d’imposer le respect absolu des textes réglementaires. Nous réitérons enfin notre demande d’une expertise sur les conditions de travail et de télétravail dans les services judiciaires qui s’impose face à l’augmentation des burn-out et des tentatives de suicide.
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