Sous la tente blanche dressée place El Salvador, à quelques pas des Invalides (Paris VIIe), Arnaud Descone, pompier de 45 ans, 25 ans de service, prend la parole, ce mardi 28 mai, devant une petite assemblée de journalistes et de représentants écologistes réunis par les neuf organisations syndicales des soldats du feu.
« Je représente, dans ma famille, la troisième génération de pompiers. Mon père est mort d’un cancer du côlon à la veille de sa retraite. Mon grand-père, d’un cancer du poumon. » Imperturbable sous la pluie qui tambourine la toile fine, le quadragénaire d’ajouter : « Et aujourd’hui j’apprends que j’ai été testé positif à trois PFAS. »
95 % des pompiers testés positifs au PFAO
Arnaud Descone fait partie de la vingtaine de pompiers qui se sont prêtés le 16 mai, lors d’une manifestation d’ampleur, place de la République à Paris, qui a réuni – fait rare – l’ensemble des neuf organisations syndicales, à des tests de cheveux destinés à identifier la présence de ces polluants dit « éternels » et potentiellement cancérigènes. Selon plusieurs études, les pompiers y seraient particulièrement exposés, à travers les fumées, certaines mousses anti-incendie et les imperméabilisants de leurs équipements de protection.
L’heure est aujourd’hui au verdict. Les résultats réunis dans un tableau sont décrits comme « alarmants ». Mathieu Ben Braham, chimiste et membre de Génération Futures, chargé de commenter ces résultats, liste d’une traite les principaux enseignements : « Sur 100 % des personnes testées ont été détectés des PFAS ; les cheveux d’un tiers des pompiers contiennent au moins quatre PFAS. Ils font ainsi partie des 10 % les plus contaminés de la base de données du laboratoire qui a réalisé les tests. » Pire encore : 95 % des pompiers ont été testés positifs au PFAO, un polluant reconnu comme cancérigène par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer).
« Ces résultats ne sont pas une surprise. Ils confirment ce que l’on redoutait. Comment pouvait-il en être autrement alors que chacun de nous connaît au moins un collègue décédé prématurément d’un cancer », commente Manuel Coullet, représentant syndical à Sud, qui s’est rendu peu après cette conférence de presse, avec d’autres membres de l’Intersyndicale, au ministère du Travail, à quelques pas de là, pour porter ces résultats.
Un seul cancer reconnu à ce jour
« Il s’agit de démontrer à nos employeurs et au ministère de l’Intérieur que, avec peu de moyens, neuf organisations syndicales soucieuses de la santé des agents, ont pu mettre en évidence leur surexposition à des polluants éternels qui nuisent à leur santé, abonde Laurent Guillotteau de la CGT, nous exigeons qu’ils poursuivent le travail en donnant une ampleur nationale à ces tests et qu’ils mettent en place une véritable politique de protection et de prévention. »
Ils réclament également la reconnaissance des maladies professionnelles liées à cette surexposition. Un seul cancer est aujourd’hui reconnu en France : le nasopharyngé. Alors qu’aux États-Unis et au Canada, de 10 à 28 cancers liés à l’activité des pompiers ont été reconnus.
Les revendications des pompiers prennent une tonalité particulière, deux jours avant l’examen, le 30 mai, d’une proposition de loi qui, pour la première fois, vise à interdire ces PFAS dans l’atmosphère, dans l’eau, et dans les vêtements. « Il est temps de fermer le robinet », assène Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts, qui a fait le déplacement aux Invalides pour affirmer son soutien au combat des pompiers.
Xavier Bois, porte-parole des neuf organisations syndicales, en a résumé l’enjeu : « Nous ne nous accommoderons plus du déni de ceux qui nous gouvernent. Nous nous battrons jusqu’au bout pour avoir le droit, comme tous, à une retraite paisible sans avoir à anticiper une mort prématurée. »
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