Face à une scène montée sur la place d’Italie à Paris, le collectif jeunes de la CGT cheminots déploie une banderole en faveur du ferroviaire public. Ce mardi 28 mai, près de 8 000 personnes, selon la CGT cheminots, ont répondu à l’appel de l’intersyndicale (CGT, Unsa, SUD, CFDT) pour dénoncer le plan de discontinuité de Fret SNCF, qui prévoit de céder 30 % de son activité à la concurrence et de supprimer 10 % de ses effectifs.
« Nous sommes en totale solidarité avec les cheminots français. Les chemins de fer sont nécessaires pour lutter contre la crise climatique ! » clame Giorgio Tuti du syndicat suisse SEV et président de la section ferroviaire d’ETF, la Fédération européenne des travailleurs des transports. Dans la foule, des délégations venues des Pays-Bas, d’Allemagne ou encore d’Italie sont présentes.
Au nom de l’intersyndicale, Thierry Nier clame l’« opposition à l’ouverture à la concurrence » des fédérations cheminotes. « Les quatre paquets ferroviaires ont démonté l’entreprise publique de la SNCF. Pour le fret, la libéralisation a détruit la part du rail dans le transport de marchandises en passant de 44 gigatonnes transportées en 2006 à 33 gigatonnes en 2022, mesure le secrétaire général de la CGT cheminots. Tout en assurant 50 % du fret ferroviaire, Fret SNCF a perdu 10 000 emplois. Le constat est sans appel : le marché a choisi le camion. » Et pourtant, on entend dans le cortège : « Un train, c’est 50 camions en moins sur les routes ! »
« Il faut investir pour de meilleurs salaires et des conditions de travail sécurisantes, si nous voulons que les jeunes fassent carrière dans le ferroviaire »
Giorgio Tuti, président de la section ferroviaire de la Fédération européenne des travailleurs des transports.
Dans cette bataille, les initiatives se multiplient et convergent. La CGT a relancé le comité de vigilance ferroviaire. Des dizaines d’actions publiques sont prévues courant juin. SUD rail mobilise les forces de l’Alliance écologique et sociale (ex-« Plus jamais ça ! »). Quant à la CFDT cheminots, elle s’est engagée sur le terrain judiciaire. « L’État était-il fondé à mettre sur pied ce plan de liquidation, alors que l’Union européenne avait trois ans pour enquêter et que rien ne dit qu’elle accepte cette discontinuité ? » s’interroge Thomas Clavel (CFDT).
Ce plan de discontinuité est une réponse de l’exécutif à l’ouverture d’une enquête de la Commission européenne, au sujet de 5,3 milliards d’euros d’aides publiques versées à Fret SNCF entre 2007 et 2019. « Les investissements publics sont nécessaires pour soutenir l’infrastructure. La libéralisation doit être stoppée parce qu’elle ne fonctionne pas. Il faut investir pour de meilleurs salaires et des conditions de travail sécurisantes, si nous voulons que les jeunes fassent carrière dans le ferroviaire », poursuit Giorgio Tuti.
« Défendre le service public du rail »
Dans ce cortège parisien, l’ensemble des forces de gauche étaient présentes. « Liquider Fret SNCF au lieu de renforcer le ferroviaire pour lutter contre le réchauffement climatique relève d’un concours de dogmatisme », glisse l’insoumis François Ruffin. De son côté, l’eurodéputée EELV Karima Delli appelle à « taxer les poids lourds pour relancer le fret ferroviaire ».
Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, plaide, lui, pour « un élargissement du rapport de force, pour défendre Fret SNCF et le service public du rail ». À ce propos, les députés communistes ont fait adopter un rapport parlementaire actant l’échec de la libéralisation du fret ferroviaire et préconisant un moratoire sur le plan de discontinuité. « Appliquons cette mesure ! » tance Thierry Nier. La balle est dans le camp de l’exécutif.