À Paris, l’ambiance est à la fête sur le boulevard Saint-Michel. Plusieurs centaines de personnes se pressent en direction de la Place de la Sorbonne. Des ballons aux couleurs de la CGT et de la CFDT fouettent l’air chaud. De premiers slogans se font déjà entendre à travers les microphones. Tous les syndicats (Snes-FSU, SUD Éducation, CGT éduc’action, FNEC-FP FO, Sgen-CFDT, Unsa-éducation) ainsi que la FCPE et des syndicats lycéens ont répondu présent à l’appel pour manifester.
« La contestation du projet du gouvernement est unanime »
« Nous sommes plusieurs organisations syndicales à porter les mêmes revendications contre la réforme du choc des savoirs », explique Maxime, 34 ans, co-secrétaire de la CGT éduc’action dans les Hauts-de-Seine et professeur de français au lycée polyvalent Joliot-Curie à Nanterre. L’enseignant est de toutes les manifestations depuis le 1er février. « La contestation du projet du gouvernement est unanime ! Que ce soit du côté des professeurs comme des parents d’élèves. Ce qui ressort particulièrement, ce sont évidemment les groupes de niveau au collège. Si les personnels de l’éducation ne cessent d’exprimer leur colère, les parents d’élèves sont également très choqués par cette mesure de tri social ! C’est pour qu’ils puissent aussi prendre la parole que nous avons organisée cette journée de manifestation. »
Stigmatisation et discrimination sociale
Des centaines de parents d’élèves ont fait le déplacement jusqu’à la Sorbonne. Nombreux sont ceux qui brandissent le drapeau de la FCPE, comme Laetitia, qui y milite depuis six ans. Originaire du Val-d’Oise, cette ergonome de 44 ans, a tenu à être présente. « C’est la première fois que je manifeste contre la réforme. Jusqu’à maintenant, j’avais participé à l’organisation d’opérations « collèges déserts » », précise-t-elle. « C’est une réforme qui stigmatise les enfants en créant de la discrimination sociale. Mettre des enfants dans des groupes de niveaux les pénalise pour la suite de leur scolarité. C’est non seulement totalement inéquitable, mais également opposé aux dispositifs qui favorisent l’inclusion et la lutte contre le harcèlement. » Tandis que la musique s’échappe des enceintes, des pancartes fendent la foule qui s’amasse sur la place. « Choc des savoirs, voleurs d’espoir », interpelle l’une d’elles, quand d’autres se font plus humoristiques, telle celle affichée par Sarah, qui parodie « La Liberté guidant le peuple » de Delacroix.
« La privatisation à laquelle on assiste me rappelle celle des États-Unis »
« Je suis déjà venue manifester il y a quelques semaines », précise cette mère d’élève de 46 ans, qui réside dans le 11e arrondissement de Paris. Originaire de New York, Sarah, médiatrice culturelle, s’est installée en France en 2022. « On a mis nos enfants dans une école publique parce que la mixité sociale est très importante pour nous. C’est aussi pour cela que nous sommes venus en France. Or, la privatisation à laquelle on assiste me rappelle celle qui existe aux États-Unis. C’est très triste ! Parce qu’on voit bien que les professeurs sont contre. Ils connaissent leur métier mais on ne les écoute pas. » Un constat partagé par Anne, 53 ans, professeure de français au collège Marais de Villiers, à Montreuil. « Je suis absolument effarée par cette réforme qui est dangereuse pour les enfants. On veut mettre en place un dispositif qui n’est pas adapté à la pédagogie. On ne peut pas trier des élèves en fonction de capacités supposées ! Une classe, c’est un ensemble de niveaux. C’est cette hétérogénéité qui fait progresser les élèves. » Depuis treize ans qu’elle enseigne en Seine-Saint-Denis, Anne a vu ses conditions de travail se dégrader au fil des ans. « Il faudrait un plan d’urgence pour l’éducation au niveau national ! Le gouvernement prétend nous respecter et nous défendre mais on se sent peu protégés et écoutés. Cette manifestation en est la preuve ! »
Retrait de la réforme
« Ce projet doit être retiré », insiste Maxime, co-secrétaire educ’action 92. « Nous avons vu à quoi avait mené la politique de Jean-Michel Blanquer ! Si le ministère continue de fermer les yeux, la défiance des personnels d’éducation ne fera qu’augmenter. Or, actuellement, il y a une crise de recrutement dans l’éducation. Celle-ci ne doit rien au hasard. ! » « Nous avons déposé un recours auprès du Conseil d’État pour faire annuler la réforme du choc des savoirs », indique Catherine Nave-Bekhti, 48 ans, professeure en sciences économiques et sociales et secrétaire générale de la Fédération CFDT éducation, formation, recherches. « La mise en place de groupes de niveaux est en contradiction avec le Code de l’Éducation où il est dit que les établissements scolaires sont autonomes et doivent privilégier la mixité », rappelle-t-elle. « Il est encore temps de faire reculer le gouvernement. Nous voulons redonner du pouvoir d’agir aux enseignants. La différence ne doit pas être vue comme une difficulté mais comme un levier d’action au bénéfice des élèves ». Quelques milliers de manifestants sont désormais rassemblés. Le cortège commence à s’élancer. À sa tête, l’intersyndicale brandie fièrement une immense banderole « Non au choc des savoirs, oui au choc des salaires et des citoyens pour l’école publique ! ». La lutte continue.
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