Dublin (Irlande), envoyé spécial
Le Ryan’s Bar est un pub dublinois qui a du cachet. On y trouve tout ce qu’on s’attend à y voir : du mobilier en bois foncé, de profondes banquettes en cuir, de la lumière tamisée, de la bière épaisse en pinte et, au menu, de roboratifs plats de viande en sauce.
S’il y a affluence dans la salle du fond ce mercredi soir, ce n’est pas à cause d’un concert ou de la diffusion d’un match sur écran géant, mais d’un « Meetup » cybersécurité. Des experts et curieux du sujet, qui travaillent aux sièges des grandes entreprises technologiques voisines, viennent mêler autour d’un verre de sociabilisation post-travail, réseautage et, habités par l’esprit utilitariste de la Silicon Valley, une forme de productivité, même sur les temps d’apéro.
Nokia, Dell, Slack, Méta…
Meetup est la start-up qui a privatisé le concept au point de devenir un nom commun dans le milieu tech. On s’y présente par son prénom. Sur la grosse vingtaine de participants, peu semblent irlandais ou même britanniques. On y parle avec aisance un anglais globish, mais avec de forts accents hispaniques, d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient… Mais à la question « D’où venez-vous ? » les participants répondent Nokia, Dell, Slack, Meta…
Accoudés au bar, des clients ignorent cette assemblée. Ils ont l’habitude et se plaignent plutôt de la hausse des prix de la bière et de l’impossibilité de trouver un toit. Ce soir-là, le Ryan’s Bar incarne ce qu’est devenue l’Irlande : un paradis fiscal qui a su attirer les sièges des géants du numérique, développer un riche écosystème technologique de plus de 140 000 emplois très qualifiés, mais où les inégalités explosent.