La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 22 juin 2022, avait bien reconnu qu’une avocate d’Ernst & Young avait fait l’objet d’une discrimination en raison de ses maternités, mais n’en avait pas tiré toutes les conséquences. Si elle jugeait que la salariée justifiait de ce qu’au retour de son premier congé maternité elle avait subi, notamment en comparaison de son collègue, une diminution brutale de sa charge de travail, qu’elle n’avait plus bénéficié d’entretiens annuels, que son salaire avait chuté et qu’elle avait fait l’objet, cinq mois après son retour de congé parental à l’issue du deuxième congé maternité, d’un licenciement injustifié et vexatoire, elle la déboutait néanmoins de ses demandes de repositionnement au grade de senior manager et de réparation du préjudice financier au motif que « le passage à ce grade nécessite d’assurer le suivi commercial et technique des missions, ainsi que la participation à la vie interne et l’encadrement d’une équipe, et aucun élément ne permet d’affirmer que cette promotion était due à cette salariée à la date à laquelle elle se trouvait en congé maternité ».
Avec un tel raisonnement, un salarié discriminé ne pourrait jamais voir sa carrière reconstituée : la discrimination l’ayant privé de la possibilité d’évoluer, il ne peut démontrer qu’il est en capacité d’occuper les fonctions auxquelles on l’a empêché d’accéder. Or, en matière de discrimination, il ne s’agit pas de repositionner le salarié au regard de la réalité des fonctions qu’il occupe (puisqu’il est privé de la possibilité de les occuper) mais au niveau qu’il aurait dû atteindre s’il n’avait pas été discriminé.
La cour la déboutait également de sa demande de réintégration dans le cabinet, de droit quand le licenciement est discriminatoire et que le salarié la demande, aux motifs qu’elle la sollicitait au grade de senior manager et qu’elle était infondée dans cette demande. Elle perdait donc son droit à réintégration, obtenu parce qu’elle était discriminée, au motif… qu’elle était discriminée mais non repositionnée.
La Cour de cassation 1 vient de casser cet arrêt. Elle rappelle qu’en matière de discrimination, il existe un principe de réparation intégrale du préjudice qui « oblige à placer celui qui a subi une discrimination dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu » et que le juge doit « rechercher à quel grade conventionnel la salariée serait parvenue sans la discrimination constatée ». Le juge a donc une obligation de reconstituer la carrière de la salariée, de la repositionner et de la réintégrer, l’un ne pouvant exclure l’autre.
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