Pour les uns, « l’équilibre de la loi » a été dangereusement modifié. Pour les autres, un « point problématique » du texte a été retiré et celui-ci est devenu une « grande belle loi républicaine ». Samedi 18 mai, peu après minuit, la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » a adopté les 21 articles de cette réforme.
Mais contrairement à l’avis du gouvernement ou de la présidente de cette commission, l’ex-ministre de la Santé redevenue députée (Horizons) Agnès Firmin Le Bodo, principale rédactrice du projet, l’un des critères d’accès à l’aide à mourir a été modifié de façon substantielle.
Un droit qui serait ouvert aux malades « en phase avancée ou terminale »
Initialement réservé aux seuls malades avec un « pronostic vital engagé à court ou moyen terme », l’accès à cette aide a été élargi à tous ceux se trouvant « en phase avancée ou terminale », après le vote d’un amendement venu du PS, soutenu par le rapporteur du texte, le Modem Olivier Falorni.
Cette nouvelle rédaction a permis de corriger « le point le plus problématique (de la loi) et celui qui faisait le plus débat », a justifié le député de la majorité présidentielle. « Le patient peut souhaiter, dès lors qu’il se trouve frappé d’une affection grave et incurable, ne pas connaître les affres de la maladie, même si son pronostic vital n’est pas directement engagé », avaient argué plusieurs députés socialistes dans l’exposé des motifs de leur amendement. Des collectifs de soignants ont aussi avancé que l’évaluation du pronostic vital n’était pas une science exacte, et que les incertitudes l’entourant pouvaient susciter des contentieux avec les familles.
Mais pour Agnès Firmin Le Bodo, cette réécriture du texte ne passe pas. « Supprimer le court et moyen terme, très clairement, on n’est plus du tout dans la même loi. On est dans une loi qui peut permettre à des personnes dont le pronostic vital serait engagé à long terme, qui peuvent avoir des souffrances physiques réfractaires, de demander à mourir. Ce n’est pas l’équilibre de la loi qui a été souhaitée », a estimé la présidente de la Commission spéciale, annonçant que la discussion en séance publique, à partir du 27 mai, serait l’occasion de revenir à la formulation initiale.
Une position défendue aussi par l’actuelle ministre de la Santé Catherine Vautrin, qui a assuré que l’expression « phase avancée ou terminale » risquerait, à rebours des intentions de ses partisans, de restreindre le champ des personnes éligibles aux seuls patients « en extrême fin de vie ».
« L’auto-ingestion reste la règle », plaide la présidente de la Commission
Dans sa principale disposition, le projet de loi prévoit donc d’instaurer la possibilité pour certains patients de demander à un médecin d’être aidés à se suicider, via une substance létale qu’ils s’administreraient eux-mêmes ou qu’un tiers pourrait leur administrer s’ils ne peuvent pas le faire.
Pour être éligibles, les patients devront être majeurs (l’extension aux mineurs a été rejetée dans cette Commission), aptes à manifester leur volonté de manière libre et éclairée, être atteints d’une « affection grave et incurable » et présenter « une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable ».
Les députés LFI avaient souhaité donner le libre choix au patient concerné de la personne lui administrant la substance létale (lui-même ou un tiers), mais Agnès Firmin Le Bodo s’y est opposée, affirmant que « l’auto-ingestion était la règle, et l’hétéro-ingestion l’exception ». Elle a obtenu gain de cause sur ce point.
Sur la première partie du projet de loi, qui vise à renforcer les soins palliatifs, les députés ont réussi par ailleurs à faire adopter contre l’avis du gouvernement un amendement créant un « droit opposable » à bénéficier de ces soins, alors qu’une personne sur deux n’y a pas accès aujourd’hui.
La discussion autour de ce texte sensible, qui débutera donc le 27 mai en séance publique à l’Assemblée, pourrait durer au moins jusqu’à l’été 2025.
Avant de partir, une dernière chose…
Contrairement à 90 % des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :
nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.
L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.Je veux en savoir plus