La fin programmée des trois catégories de fonctionnaires, A, B et C ? Stanislas Guerini y songe sérieusement. Le sujet serait même « sur la table », a confirmé le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, le 14 mai, sur le plateau de Public Sénat.
Si l’objectif affiché à travers la remise en cause de cette architecture du grade — dont dépendent le niveau hiérarchique et la rémunération des agents — est de « casser le plafond de verre », pour les syndicats, c’est bien toute la fonction publique qui risque d’en récolter les débris.
Natacha Pommet, secrétaire générale de la Fédération CGT des services publics, y voit ainsi un nouvel assaut contre un statut protecteur pour les agents et les usagers, qui fait planer la menace d’un recours généralisé aux contractuels, tout en faisant l’impasse sur l’urgence d’une augmentation des salaires.
Stanislas Guerini a justifié sa volonté de supprimer les trois catégories de la fonction publique par l’existence d’un « plafond de verre », qui entraverait les évolutions de carrière des agents. Que pensez-vous de cet argument ?
C’est un argument fallacieux. Le système des concours en place au sein de la fonction publique, qui permet d’accéder à un poste gradé dans les catégories A, B ou C, en fonction des diplômes, permet de placer tout le monde à égalité, sans risque de favoritisme.
Contrairement à ce qu’affirme Stanislas Guerini, de multiples voies existent ouvrant la possibilité aux agents d’évoluer dans leur carrière, soit en passant des examens professionnels, des concours internes, ou à la faveur d’une promotion. Ils peuvent parfaitement commencer leur carrière en catégorie C, grade qui n’exige pas de diplômes, et finir en catégorie A, voire A +.
S’il y a un « plafond de verre », il a été créé par le législateur à coups de réformes successives contre le statut de la fonction publique. C’est le fait des employeurs et des gouvernements et certainement pas du statut, qui est, au contraire, protecteur et nous permet d’avoir une évolution de carrière régulière.
Quels seraient les risques d’une telle remise en cause des catégories ?
C’est une nouvelle attaque livrée contre le statut des fonctionnaires. Elle ne sera pas sans conséquence sur la protection des agents et sur la qualité du service rendu aux usagers. Le danger, avec la suppression de l’architecture du grade est de voir les agents, notamment ceux de la fonction publique territoriale, être livrés à l’arbitraire de tel élu local ou de tel ministre, et d’être détournés de leur mission dédiée à l’intérêt général.
Or, Maurice Thorez, en rédigeant le statut des fonctionnaires, en 1946, avait justement en tête de prévenir ce risque, à la lumière de ce que venait de subir la France, sous la police et l’administration de Vichy. En présentant aujourd’hui ce statut comme un « carcan », l’exécutif souhaite voir des fonctionnaires assujettis au politique et non à l’intérêt général. C’est à nos yeux très grave.
Autre conséquence prévisible de cette mesure : le déploiement à grande échelle d’une politique de recrutement fondée sur la contractualisation à outrance. Qui dit suppression des catégories, dit également suppression des concours, et donc recrutement direct par le biais de la contractualisation. La part des agents contractuels, susceptibles d’être remerciés aussi vite qu’ils sont arrivés, n’a cessé d’augmenter dans la fonction publique, au point de représenter quasiment le quart des effectifs.
Mais ces derniers ne présentent pas forcément les garanties statutaires que peuvent avoir les fonctionnaires recrutés par concours. Cette perspective suscite beaucoup d’inquiétude sur la qualité du service rendu, notamment dans des domaines comme l’enseignement ou à l’hôpital. La suppression des catégories A, B et C ouvre la voie à une contractualisation à outrance.
« L’absence d’attractivité dans la fonction publique est liée au fait que ses métiers sont très mal rémunérés »
Que vous inspirent les autres mesures esquissées par Stanislas Guerini dans le cadre de son projet de réforme ?
Nous n’en connaissons pour le moment que les grands principes, tels qu’ils ont été présentés, le 9 avril, aux syndicats par Stanislas Guerini. Ce qui a été évoqué, aussi bien la possibilité du licenciement dans la fonction publique – qui existe par ailleurs déjà -, la suppression des catégories A, B, C, les primes au mérite…, tout ceci soulevé une hostilité générale parmi les syndicats.
Nous avons répété devant le ministre que cette absence d’attractivité dans la fonction publique est avant tout liée au fait que ses métiers sont très mal rémunérés. Nous n’attirons plus les candidats, donc les collègues doivent remplir les missions de deux, trois, parfois, quatre agents : tel est le quotidien dans lequel ils se débattent. Et nous ne voyons pas en quoi ce projet de réforme contribuera à améliorer leurs conditions de travail.
La priorité doit être la revalorisation des salaires, à travers une augmentation de la valeur du point d’indice, que le gouvernement a de nouveau décidé de geler en 2024. L’urgence c’est celle-là, et certainement pas un nouveau projet de loi.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En décryptant les conséquences de la casse des services publics.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salariés pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !Je veux en savoir plus.