« C’est une grande victoire collective et un soulagement. » Rassemblés au tribunal judiciaire ce vendredi 17 mai, les cinq militantes et le militant féministes poursuivis en diffamation par l’ex adjoint à la Culture de la mairie de Paris Christophe Girard, ont exprimé leur satisfaction, après la relaxe prononcée par la justice. Ce pilier des équipes municipales de Bertrand Delanoë, puis Anne Hidalgo, avait porté plainte pour « injure publique et diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public », en août 2020, à la suite de tweets et de retweets évoquant sa proximité avec l’écrivain Gabriel Matzneff, étayée par deux enquêtes du New York Times et de Mediapart.
Une démarche militante, proportionnée, et pas injurieuse
Pour protester contre la reconduction de l’intéressé à son poste prestigieux d’adjoint à la Culture, quelques mois seulement après le choc provoqué par le livre de Vanessa Springora, « Le Consentement », une manifestation avait été organisée le 23 juillet 2020, devant l’Hôtel de Ville, et des slogans lancés comme : « Mairie de Paris : pas d’adjoint à la culture du viol ». C’est cette mobilisation qui avait donné lieu aux tweets visés dans la procédure, même si Christophe Girard, lui, n’avait pas poursuivi les manifestants eux-mêmes, ni les médias ayant enquêté sur ses liens avec Gabriel Matzneff.
La décision rendue publique ce vendredi n’a rien d’une surprise, tant l’audience des 14 et 15 mars derniers s’était retournée contre son instigateur, comme cela s’était déjà produit en 2019 lors du procès intenté par Denis Baupin contre ses accusatrices et deux journalistes.
Poursuivis par Christophe Girard, les élues au conseil de Paris Alice Coffin et Raphaëlle Rémy-Leleu, le militant écologiste Morgan Jasienski, les féministes Alix Béranger et Céline Piques, et la journaliste Coline Clavaud-Mégevand, avaient démontré, avec leurs conseils, que leurs tweets relevaient bien d’une démarche militante, proportionnée, qui attaquait le choix de l’exécutif parisien de maintenir M. Girard à son poste, que l’élu lui-même. D’ailleurs, le 24 juillet 2020, celui-ci avait décidé de démissionner de cette fonction, tout en gardant son statut de conseiller municipal.
« Etonné », Christophe Girard va faire appel
« Nous sommes très heureuses de cette victoire, qui n’était pas écrite d’avance, commente Me Elodie Tuaillon-Hibon, l’avocate de Raphaëlle Rémy-Leleu. Dans le passé, cette chambre avait déjà condamné pour diffamation des femmes comme Ariane Fornia (poursuivie par Pierre Joxe) ou Sandra Muller (poursuivie par Eric Brion). Cette fois, elle a entériné la liberté d’expression de ces militantes féministes, qui l’avaient exercée pour faire passer un message politique, et non pour injurier. »
« Quand on lit la décision dans le détail, il y a de quoi se réjouir“
Céline Piques, porte parole de Osez le féminisme
Seul bémol pour les prévenues, elles n’ont pas obtenu la condamnation de Christophe Girard pour procédure abusive. « C’est une petite déception, car cette procédure nous a beaucoup coûté, en temps et en argent. C’était bien une procédure bâillon, qui visait à nous faire taire », regrette Céline Piques, ancienne présidente d’Osez le féminisme. Un détail qui n’efface pas la validation, détaillée sur les 23 pages de la décision de justice, de la démarche publique des féministes.
« Quand on lit la décision dans le détail, il y a de quoi se réjouir, poursuit Céline Piques. Le tribunal affirme noir sur blanc que la libération de la parole des femmes, comme la dénonciation de certaines complaisances, constituent un sujet d’intérêt général, qui nécessite des prises de parole publiques. De même, il reconnaît la ‘culture du viol’ comme un concept valable et pertinent. Ce sont de réelles avancées. »
« Je prends connaissance avec surprise et étonnement du cynisme du jugement », a réagi de son côté Christophe Girard à l’AFP, allusion au fait que la décision considérait bien comme « un jeu de mots » le slogan « Pas d’adjoint à la culture du viol ». Il a annoncé son intention de faire appel.
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