Ce commentaire a été initialement publié dans The Telegraph le 2 mai 2024.
Après deux ans de guerre entre la Russie et l’Ukraine, dont la fin n’est toujours pas en vue, les membres de l’OTAN commencent à se demander ce qu’il faudra faire pour inverser la tendance en faveur de l’Ukraine.
Un document de discussion publié par le ministère estonien de la Défense a répertorié le matériel probablement nécessaire. L’Ukraine a avant tout besoin de défense contre les missiles et les avions : le plan estonien prévoit que 4 800 missiles anti-aériens sont nécessaires par an. Atteindre ce chiffre nécessiterait la totalité de la production annuelle de missiles anti-aériens des États-Unis (3 600) et le reste de la production de l’OTAN (estimée à 1 000).
Ce n’est pas tout : des défenses aériennes encore plus nombreuses sont nécessaires pour défendre les villes et les troupes ukrainiennes : au rythme d’attaque actuel de la Russie, cela représenterait environ 7 500 missiles supplémentaires par an. C’est finalement réalisable. Les fabricants d’armes occidentaux pourraient avoir la capacité de doubler chaque année leur production pour atteindre de tels chiffres, mais l’OTAN continuerait de puiser dans ses stocks et devrait rechercher des sources externes d’armements à combler jusqu’à ce que la production corresponde aux besoins.
L’Ukraine a avant tout besoin de défense contre les missiles et les avions : le plan estonien prévoit que 4 800 missiles anti-aériens sont nécessaires par an.
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Les besoins offensifs de l’Ukraine sont plus difficiles à quantifier. Les analystes estoniens estiment la demande d’artillerie à environ 2,4 millions d’obus, que l’OTAN pourra éventuellement satisfaire avec le soutien américain supplémentaire et des sources extérieures.
La demande annuelle de fusées à longue portée était estimée à 8 760 unités. C’était cependant « le minimum à défendre » : passer à l’offensive pouvait facilement nécessiter le triple de ce nombre. Les États-Unis sont le seul pays de l’OTAN à construire ces fusées à longue portée, appelées Guided Multiple Launch Rocket System. La production américaine dépassera les 14 000 en 2025, ce qui est suffisant pour répondre aux besoins de défense ukrainiens. L’OTAN a des solutions de remplacement, mais celles-ci nécessitent le déploiement d’avions de combat.
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Les munitions à frappe profonde telles que les missiles de croisière entrent dans une catégorie distincte. L’Ukraine dispose d’un nombre limité de personnes pour frapper des cibles clés. En outre, de nombreuses cibles de grande valeur se trouvent à l’intérieur des frontières russes. Tant que des quantités suffisantes de munitions de frappe profonde ne seront pas utilisées sans contrainte, y compris en Russie, il sera impossible d’évaluer l’ampleur des besoins. Mais en termes d’approvisionnement, nous savons que l’OTAN a déjà acheté des milliers de missiles de croisière à longue portée et que les États-Unis en achètent entre 400 et 700 par an.
Une estimation approximative du coût annuel de toutes ces munitions varie entre 16 et 28 milliards de livres sterling pour financer une posture défensive ukrainienne, et entre 43 et 57 milliards de livres sterling pour l’offensive. Cela ne tient pas compte du coût d’approvisionnement, d’exploitation et de maintenance des plates-formes.
Cela n’inclut pas non plus la formation et l’équipement de la main-d’œuvre massive nécessaire si l’Ukraine veut repousser la Russie jusqu’aux frontières de 2014. Des rapports récents de RAND ont déterminé qu’il faudrait entre 14 et 21 brigades entraînées et équipées par l’OTAN pour expulser une force russe des pays baltes. Former et équiper une force de cette taille ou plus sur une période de deux ans est possible, si l’Ukraine parvient à recruter la main-d’œuvre.
Avec l’arrivée de nouvelles troupes russes au rythme de 25 000 à 30 000 par mois, l’Ukraine doit infliger 1 000 victimes par jour pour empêcher tout renforcement des forces russes. C’est la moyenne quotidienne actuelle, et si elle ne souffrait pas d’une pénurie de munitions, l’Ukraine serait probablement déjà en train de dégrader la présence russe en Ukraine.
Il faudrait entre 14 et 21 brigades entraînées et équipées par l’OTAN pour expulser une force russe des pays baltes.
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Un soutien matériel à long terme de l’OTAN à l’Ukraine, dans le sens de ce que propose le document estonien, est réalisable, dans de bonnes conditions. En effet, si le plan vise à aboutir à une impasse défensive semblable à celle de la Corée, le plan estonien est suffisant même sans l’implication des États-Unis, tant que l’OTAN européenne n’a aucune restriction sur le retrait de ses stocks et achète ce dont elle a besoin auprès de n’importe quelle source mondiale.
Mais le chemin vers la victoire est bien plus coûteux. Si l’on souhaite expulser complètement les forces russes en mettant l’Ukraine à l’offensive au cours des deux prochaines années, il faudra le soutien des États-Unis et de vastes investissements de l’OTAN dépassant le plan estonien.
Michael Bohnert est ingénieur chez RAND, un institut de recherche non partisan et à but non lucratif. Ses recherches portent sur la technologie de défense, la politique d’acquisition et la gestion de la base industrielle.