Roubaix (Nord), correspondance particulière.
Le cache-cache entre soleil, nuages et averses a offert une accalmie pour les premiers coups de pédale. Démarrée au milieu d’une haie d’honneur et de pompons brandis à bout de bras, la première étape mènera les participants à ce tour de France de Roubaix à l’école Joliot-Curie de Raismes, près de Valenciennes, en passant par le rectorat de Lille.
Il y a un peu plus de deux ans, la section nordiste de la FSU-SNUipp avait déjà organisé un Roubaix-Paris cycliste pour dénoncer d’une façon originale le manque de remplaçants dans le département, particulièrement dans les bassins de Roubaix et Tourcoing.
« Cela nous a permis d’avoir des contractuels supplémentaires et d’ouvrir les listes complémentaires (pour les affectations de professeurs) », confie François Van der Goten, du bureau départemental de la FSU-SNUipp. « Puis, des copains nous ont demandé : ”Et la suite ?“ » La suite, c’est ce peloton d’une trentaine de vélos qui a inauguré, lundi 13 mai, le « Tour de France des écoles » organisé par le syndicat majoritaire dans le premier degré, avec autant de sections départementales impliquées que d’étapes. Reims-Épernay (Marne), le deuxième jour ; une boucle autour d’Épinal (Vosges), le troisième ; Colmar-Mulhouse (Haut-Rhin), le lendemain, puis l’Ain, la Drôme, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, le Lot, le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine, pour finir par un « sprint final à Paris » le 29 mai.
« Avant, j’étais en colère ; maintenant, je suis triste »
Un « village de départ » a été installé sur la grand-place de Roubaix, avec quelques tonnelles, des drapeaux, un mannequin baptisé Jeannie affublé d’un maillot à pois, un vélo alimentant un mixeur à smoothies, le tout sur les paroles de À bicyclette, d’Yves Montand. Un mélange d’humour et de revendications puisque, chaque soir après l’arrivée, une assemblée générale évoquera un thème différent : salaires, formation et recrutements, école rurale, école privée…
La première étape est dédiée à « l’inclusion ». « L’inclusion, nous y sommes tous favorables, mais il faut des moyens », embraye Guislaine David, porte-parole nationale de la FSU-SNUipp, qui a fait le déplacement à Roubaix. « Pour cela, il faut moins d’élèves dans les classes, de la formation et des enseignants spécialisés. Le ministère n’a pas pris la mesure du problème, nous devons nous débrouiller et cela produit de la maltraitance chez les personnels comme les élèves. »
Marie, Lucille et Léonore1 acquiescent. Enseignantes en maternelle, CP et CM2 dans une école de Roubaix, elles se sont mises en grève pour participer à un morceau de l’étape, jusqu’à Lille. « J’ai un enfant trisomique dans ma classe (de petits et tout-petits) avec une AESH mutualisée qui ne l’accompagne que le matin, plus une autre pour les récréations, explique Marie. C’est l’administration dans toute sa splendeur… Il faut quatre ou cinq années d’attente pour intégrer une école spécialisée, mais comme une demande d’admission a été déposée, il n’est pas possible d’avoir une AESH à temps plein… » « J’ai des élèves (de CM2) en grande difficulté, enchaîne Léonore. Nous n’avons pas d’assistante sociale, pas d’éducateurs, pas de psychologue scolaire, et plus de Rased (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté)… Tout doit être pris en charge dans la classe. On bricole. »
Visiblement fatiguée et désabusée, elle lâche : « Avant, j’étais en colère ; maintenant, je suis triste. » Une petite lueur s’allume encore dans son regard quand elle évoque le projet Erasmus mis en place dans son école, qui a permis aux enseignants de se rendre, sur leur temps de vacances, dans différents pays pour étudier d’autres systèmes éducatifs : Belgique, Islande, Finlande, Suède, Italie, Estonie… « On y pioche beaucoup de bonnes idées », confie Lucille.
Dans ces pays, « on voit rarement un professeur seul dans sa classe et il y a de vrais enseignants spécialisés », ajoute Léonore, tandis que Marie pointe « des aménagements de classe, une utilisation du matériel et des outils pédagogiques différents ».
130 fermetures de classes dans le Nord à la rentrée
La baisse démographique scolaire observée dans différents départements ne permet même pas d’alléger les effectifs. Ainsi, les écoles du Nord, qui compteront 4 247 élèves de moins à la rentrée, verront disparaître 130 classes… Les syndicats ont dû batailler pour adoucir les 210 fermetures programmées au départ. Les revendications ne manqueront donc pas, non plus, l’année prochaine.
Mais, après un Roubaix-Paris suivi d’un Tour de France, quelle sera la prochaine épreuve des professeurs cyclistes ? La sono du village de départ crache dans les baffles le London Calling des Clash. Faut-il y voir un indice ?
Avant de partir, une dernière chose…
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