C’est la voix embuée de larmes que Marianne, la compagne du dessinateur Fred Dewilde, a annoncé à l’Humanité que celui-ci avait mis fin à ses jours, dimanche dernier, « terrassé par la violence de ses traumas ». Presque neuf ans après les attentats terroristes du 13 novembre 2015, la haine et le fanatisme continuent de tuer, en silence, à petit feu. « Ce n’est pas une affaire privée, ce suicide, c’est beaucoup plus que ça, insiste Marianne. Fred est mort du 13 novembre, il est mort du psycho trauma. Pendant des années, il avait réussi à le tenir à distance, mais le poison a fini par l’emporter. »
Il tente d’exorciser son expérience par le dessin
Le 13 novembre, ce fan de rock assistait au concert des Eagles of Death Metal avec trois amis. Il passera deux heures dans la fosse, à baigner dans le sang des victimes, avant de pouvoir se réfugier dans une cour. C’est par le dessin que Fred Dewilde avait choisi d’exorciser cette terrible expérience qui l’avait laissé indemne physiquement, mais brisé psychologiquement. En 2016, l’ancien illustrateur médical la raconte dans « Mon Bataclan » (Lemieux Éditeur), avant de décrire, deux ans plus tard, dans « La Morsure » (Belin), comment l’attentat de Nice avait ravivé ses blessures intérieures. « Conversation avec ma mort » (Rue de Seine Éditions), en 2021, préfacé par Michel Wieviorka, s’interrogeait, encore et toujours, sur « comment survivre après le Bataclan ».
« Fred le survivant, Fred la victime était devenu Fred l’artiste, sublimant la souffrance à hauteur d’homme, passeur de mémoire pour nous tous », écrit Marianne au nom de proches aujourd’hui « sous le choc et dévastés ». « Ils l’ont tué une seconde fois », estime-t-elle aussi.
« Ce qui est difficile, c’est vivre avec »
Père de trois enfants, Fred Dewilde était « sous ses airs de colosse bourru, un roc doux et sensible », un humaniste, attaché aux valeurs de solidarité et de fraternité.
« L’ultralibéralisme est aussi violent que le terrorisme. Il fait autant de dégâts, bien sûr pas de la même manière. (…) C’est tout aussi extrême que ce que j’ai vécu », avait-il lâché à une conférence organisée pour évoquer son expérience du 13 novembre 2015.
Les obsèques de Fred Dewilde, dont la date n’était pas encore fixée ce mardi 7 mai, seront organisées dans l’intimité, « sans caméras », avec ses proches et « la grande famille des victimes du 13 novembre ». « Ce n’est pas survivre qui est difficile, c’est vivre avec », avait coutume de dire Fred Dewilde à propos des attentats de 2015. Dimanche 5 mai, il a arrêté de « vivre avec ».
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