Aurore Bergé, la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a dévoilé jeudi 2 mai une stratégie nationale de lutte contre la prostitution qui vise à renforcer les dispositifs existants et à intégrer la question de la prostitution des mineurs.
Son objectif est « de renforcer et d’harmoniser l’application de la loi sur tout le territoire et de mieux prendre en compte les nouvelles formes de prostitution », a déclaré la ministre, en faisant référence à la loi de 2016, qui a notamment abrogé le délit de racolage, et pénalise désormais les clients, passibles d’une amende de 1 500 euros à 3 750 euros en cas de récidive.
Une « phase 2 de la loi de 2016 »
Très attendue, la présentation de cette « phase 2 de la loi de 2016 », a été plutôt bien accueillie par les associations (Amicale du Nid, CAP International, Fondation Scelles, Mouvement du Nid et FNCIDFF), qui saluent cette loi. À l’image de Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du Nid, une association travaillant avec les personnes prostituées et soutenant la nécessité de l’abolition du travail du sexe : « En se basant sur 4 piliers : la dépénalisation des personnes prostituées, l’accompagnement des personnes voulant sortir de la prostitution, l’interdiction d’achat d’actes sexuels et la lutte contre le proxénétisme, la loi est très complète et va dans le bon sens, indique-t-elle.
Cependant, concernant l’application de la pénalisation des clients, cela dépend beaucoup de la volonté des acteurs des territoires ». Pour tenter de pallier ces disparités d’application, le gouvernement prévoit, dans sa stratégie, une implication accrue des commissions départementales dédiées ou encore un renforcement des actions prises contre les « prétendus salons de massage abritant la prostitution ».
Pour Sarah-Marie Maffesoli, référente de Médecins du Monde sur les questions liées au travail du sexe, pénaliser les clients a fait empirer les conditions des travailleurs et travailleuses du sexe. « On a constaté une nette augmentation des violences, notamment des viols, depuis la mise en application de la loi. Il y a également une augmentation de la prise de risque, avec le fait que les travailleuses du sexe arrivent moins à instaurer le port du préservatif », explique la référente.
30 % des 40 000 personnes prostituées sont des mineurs
Parmi les différentes mesures de la nouvelle stratégie, le gouvernement veut également s’attaquer au problème de la prostitution des mineurs, « particulièrement vulnérables dans ce contexte », selon la ministre. Un réseau national d’accueil et de prise en charge va être mis en place, pour faire face à l’augmentation des mineurs prostitués, ces derniers atteignant 30 % des 40 000 personnes prostituées en France.
Face à la crainte de voir les prestations sexuelles exploser durant les Jeux Olympiques, la ministre Aurore Bergé a également annoncé qu’une campagne de sensibilisation serait mise en place cet été. Pour Sarah-Marie Maffesoli, penser qu’il va y avoir une forte augmentation du travail du sexe durant les JO est un mythe : « De nombreuses recherches ont été réalisées et montrent qu’il n’y a pas d’augmentation du nombre de travailleuses du sexe à l’occasion de grands événements sportifs. On utilise cet argument pour augmenter les mesures répressives envers le travail du sexe, en pensant que cela va mettre fin au phénomène. Mais ce que nous constatons, c’est qu’on ne met aucunement fin au travail sexuel, on l’invisibilise et on dégrade les conditions de vie et de travail des personnes qui exercent cette activité », s’indigne la référente de Médecins du Monde.
Les associations regrettent, en outre, la décision du gouvernement de ne pas revaloriser le montant de l’aide financière d’insertion sociale (Afis) destinée aux personnes désireuses de sortir de la prostitution. « Cette aide est pour l’instant de 342 euros par mois, ce qui ne permet clairement pas de pouvoir sortir de la prostitution et trouver un métier. On demande qu’elle soit mise à la hauteur du RSA, ainsi qu’un titre de séjour durant toute la durée de la procédure », déplore le Mouvement du Nid. Quant à la « mise en sécurité des femmes et des filles, notamment étrangères mais aussi des mineures et jeunes majeures », elle est jugée « insuffisante ».