Ce n’est qu’après deux contrôles d’identité, l’escalade de l’escalier de secours et le passage devant la sécurité que les responsables syndicaux peuvent se présenter aux réunions avec la direction. « C’est du jamais-vu ! » s’indigne Abdelhalim Bouabdallaoui, délégué syndical FO. « Avec cette armada d’agents de sécurité, on cherche à nous mettre la pression et à nous intimider avant même que les négociations ne débutent », regrette Stéphane Bertazzo, délégué CGT chez MA France (ex-Magnetto), à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.
Située juste à côté de PSA Aulnay, site fermé en 2024, l’usine automobile est menacée de déposer son bilan, « dans le cas où aucune solution (ne serait) trouvée aux litiges commerciaux obscurs avec son principal partenaire Stellantis », précise le cégétiste. Quatre-vingts pour cent des pièces de ferrage (des éléments d’assemblage de la carrosserie), des châssis et des cabines, fabriqués dans l’usine dépendent justement de ce géant automobile né de la fusion entre Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler en 2021. Le reste de sa production est commandé par Renault.
Dans le cas où l’usine s’engagerait sur un dépôt de bilan, ils seront 280 salariés en CDI et 120 à 150 intérimaires envoyés vers France Travail. Une barre de son posée sur des pneus entassés sur le parvis de l’usine : presque tous les salariés ont cessé de souder, porter, contrôler et assembler des pièces automobiles depuis mardi 16 avril, vers 22 heures. L’intersyndicale CGT, FO et CFDT revendique 95 % de grévistes, malgré une perte importante sur leur salaire – environ 900 euros manquaient sur la fiche de paye de Domingos. « C’est une forme de punition », affirme Adel, syndicaliste à la CGT. En attendant, Domingos, 56 ans, s’inquiète du travail à retrouver le plus vite possible en cas de fermeture. Après une carrière longue, commencée à 14 ans, il ne lui reste que deux ans à cotiser avant de faire valoir son droit à la retraite. Ce soudeur-outilleur, en poste depuis trente-trois ans dans l’entreprise, craint « de devoir tout recommencer à zéro ». Le cas échéant, il se battra pour obtenir une somme convenable à son départ.
Trois autres usines à l’arrêt
Une prime supra-légale semble en voie de négociation. Selon les syndicats, la direction propose 45 000 euros : refusée. Le vote de l’assemblée générale des grévistes impose 70 000 euros. « Je n’ai pas envie de partir avec des clopinettes, alors que Carlos Tavares (le PDG de Stellantis – NDLR) a gagné 36 millions d’euros en 2023 ! s’insurge Lahcene, salarié à MA France depuis vingt ans. Déjà qu’on sort d’ici malades, avec des sciatiques à force de rester debout pendant sept heures par jour… » La moyenne d’âge est de 50 ans, selon l’intersyndicale, d’où l’importance de préparer « une porte de sortie avec de l’argent, des formations et un reclassement dans d’autres entreprises ».
Les salariés ont bon espoir de voir la somme gonfler puisque leur mouvement se fait sentir sur la production de Stellantis. L’usine d’Aulnay-sous-Bois fournit des pièces essentielles aux usines automobiles de Poissy (Yvelines), Hordain (Nord) et Luton, en Angleterre, désormais à l’arrêt. Les salariés des deux lieux de production français sont au chômage technique depuis le 22 avril. Selon Stellantis, MA France « rencontre des difficultés structurelles de compétitivité qui le handicapent dans l’acquisition de nouveaux marchés. Le contexte inflationniste (matière, main-d’œuvre, énergie) impacte d’autre part sa rentabilité ».