Patrick Vignal a porté la loi sur le changement de nom promulguée en 2022. Deux ans plus tard, et alors que le dernier bilan fait état d’une explosion des demandes, le député Renaissance de l’Hérault revient sur un texte qui a changé la vie de 144 000 personnes.
Comment interprétez-vous ces chiffres en hausse ?
Entre août 2022 à décembre 2023, le nombre de changements de nom a explosé. Les enquêtes montrent que ce sont des jeunes et des femmes principalement. Pour moi, cette loi correspond à la société, elle est entièrement en phase.
Qu’est-ce que la loi Vignal a changé ?
Avant, si vous vouliez rajouter le nom de votre maman à celui de votre papa, il fallait prendre rendez-vous avec un avocat. Ça pouvait prendre du temps, ça coûtait de l’argent et ce n’était pas certain qu’on accède à votre demande. Aujourd’hui, un Cerfa suffit à ce que vous puissiez rajouter le nom de votre père ou de votre mère. Dans la commission mixte paritaire, il y avait des sénateurs qui ne voulaient pas de ma loi, ou quelques députés qui disaient : “Les hommes ne peuvent pas donner la vie, alors qu’ils gardent au moins le nom”.
Qui change de nom ?
C’est sur trois niveaux. Le premier c’est sur des noms “bizarres” : Abdeslam, Cocue… des noms difficiles à porter. Le deuxième niveau, c’est dans des familles où il n’y a que des filles, et dont le papa décède. Dans ce cas-là, le nom s’arrête. Ou sinon, des gens qui disent : “Ma mère m’a élevé seule, je ne veux plus porter le nom de mon père”. Le troisième niveau, qui est vraiment très important, ça concerne les violences, l’inceste, les viols.
Qu’est-ce que ces chiffres disent de la société ?
Cette loi est un marqueur de la société, un pas de plus dans la conquête de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. C’est un arrêt du patriarcat. Avec cet acte fort, je pense qu’on peut aller plus loin en réglant des problèmes de violences, d’inceste. Cette loi est calquée sur la société. C’est pour ça que je ne suis pas étonné par le fait que ça concerne 60 % de femmes. Ce sont des jeunes pour la plupart. C’est une génération qui ne prendra pas le nom de son mari, ou gardera aussi son premier nom.
Qu’est-ce que ça résout de changer de nom ?
On a changé la vie de 144 000 personnes. Il y avait beaucoup de douleur, de gens en difficulté. Quand je me déplace, je vois beaucoup de gamins qui ont une colère envers la société. Quand on creuse, on se rend compte qu’ils ont été victimes de violences, ou d’inceste… et ils estiment qu’ils n’ont pas été protégés. C’est pour ça que cette loi est intéressante. En plus elle coûte zéro.
Qu’est-ce qui vous motive sur la question du changement de nom ?
On a de très bons retours. Les gens nous disent : “J’ai commencé à revivre”. Ce qui m’avait marqué c’était le témoignage d’une femme d’une soixantaine d’années dans les Pyrénées-Orientales. Elle disait qu’elle avait été violée par son beau-père pendant des années. Elle a changé de nom et m’a envoyé un texto : “Vous m’avez changé la vie”. Voilà l’impact de cette loi. Il y a des belles histoires de changements de nom. Mais souvent, c’est beaucoup de souffrance derrière, d’histoires très violentes, très difficiles.
Voulez-vous aller plus loin ?
La suite c’est de trouver ce qu’on peut faire quand les deux parents sont des bourreaux. Quand on ne veut ni du nom du père, ni de celui de la mère. Et on a aussi le problème de la double nationalité qui remonte. Il y a beaucoup de personnes qui me disent qu’elles ne peuvent pas changer de nom en France parce que sinon, elles perdront leur deuxième nationalité avec un pays qui n’accepte pas le changement de nom. Il y a aussi quelques mairies qui sont encore réfractaires à appliquer la loi. Et puis il faut se pencher sur les violences faites aux femmes, qu’on retrouve beaucoup dans les changements de nom. Il ne faut pas oublier qu’il y 160 000 enfants par an victime d’inceste et qu’une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint.
On a de bonnes raisons de penser que le nombre de changements de nom va continuer d’exploser…
Je pense que ça va continuer. 22 % des Français aimeraient changer de nom. Sur 66 millions, c’est énorme. C’est un tsunami démocratique : créé par un collectif, porté par un parlementaire, soutenu par le garde des Sceaux. On n’est pas en décalage. Car cette loi est en avance sur la société. Le signal qu’on envoie c’est : “Oui, parfois la politique peut servir à quelque chose”, ça redonne confiance.