Les résultats annuels du géant informatique, publiés mi-mars, avaient révélé un gouffre abyssal. Un mois plus tard, le ministre de l’Économie lance une opération s’apparentant à une tentative in extremis de sauvetage, en annonçant sa volonté d’acquérir « toutes les activités souveraines » d’Atos. La multinationale avait dévoilé un endettement avoisinant les 5 milliards d’euros. Le but : éviter que, dans cette tourmente économique, des activités stratégiques pour la France, notamment liées à sa défense, au nucléaire et aux questions de cybercriminalité, ne « passent dans les mains d’acteurs étrangers ».
L’enjeu est en effet de taille pour l’État, l’ex-fleuron de la tech française occupant un rôle stratégique dans la dissuasion nucléaire française, à travers plusieurs contrats avec l’armée. « Ces activités souveraines doivent rester sous le contrôle exclusif de la France », a ainsi affirmé le 28 avril, sur le plateau de LCI, Bruno Le Maire. Déclarant suivre le dossier Atos « de très près », ce dernier affirme avoir envoyé une lettre d’intention, qui ne vaut toutefois pas engagement, aux dirigeants d’Atos, détaillant le périmètre de ces activités jugées « stratégiques ». À savoir : ces supercalculateurs, les serveurs participant à l’intelligence artificielle (IA) et à l’informatique quantique ou encore des produits de cybersécurité, selon des informations recueillies par l’AFP auprès du cabinet du ministre.
Recherche de partenaires français
Ces domaines généreraient un chiffre d’affaires annuel cumulé de 900 millions d’euros, sur un total de près de 11 milliards d’euros pour l’ensemble du groupe Atos, et emploieraient quelque 4 000 salariés, installés en majorité en France. Dans cette opération, menée par l’Agence des participations de l’État, sous son autorité, le ministre de l’Économie souhaite voir se greffer des partenaires français, à savoir des entreprises œuvrant notamment dans les domaines de la défense ou de l’aéronautique.
Après en avoir reporté par deux fois la publication, Atos avait révélé, le 26 mars, des résultats annuels catastrophiques ; une perte nette de 3,4 milliards d’euros en 2023, en grande partie liée à une révision à la baisse de la valeur de ses actifs. Une dépréciation à laquelle son directeur général et ex-directeur financier Paul Saleh avait dû se résoudre face au gouffre financier de l’entreprise, depuis le refus d’Airbus d’entrer dans son capital et l’absence d’un autre candidat à sa reprise.
Paul Saleh avait fait savoir, il y a quelques semaines, qu’il cherchait « un accord global » d’ici juillet avec ses créanciers en vue d’une restructuration de son endettement, tout en mettant en avant la bonne santé de sa trésorerie, qui s’élèverait à 2,4 milliards d’euros.
15 000 salariés en France
La société, au cœur du dispositif des Jeux olympiques de Paris, chargée notamment de la cybersurveillance et des supports informatiques, compte 110 000 salariés, dont 15 000 environ en France, et doit désormais faire face à une dette colossale et quelque 3,65 milliards d’euros d’emprunts et obligations à rembourser d’ici fin 2025.
Le recul récent de 11 % de son chiffre d’affaires au premier trimestre 2024 vient ajouter une part d’urgence à la situation déjà incertaine de l’entreprise, confrontée à la nécessité de revoir ses prévisions d’ici 2027. Face à un besoin accru en liquidités et à une réduction de sa dette plus importante que prévue, elle est dans l’attente des propositions que ses actionnaires doivent lui soumettre d’ici le 3 mai.