Sept cent trente-huit, c’est le nombre de morts au travail en 2022 recensés par l’assurance-maladie sur la base de « déclarations complètes » dans son rapport annuel publié en décembre 2023. Sept cent trente-huit morts, soit deux décès par jour, trois si on considère uniquement les jours ouvrés. Pour 2023, le chiffre pourrait être encore plus élevé et dépasser la barre des 900, selon la CGT. Et encore, cette statistique est loin d’être complète : seuls sont recensés les salariés du privé cotisant au régime général.
Les fonctionnaires, les agriculteurs et les indépendants ne rentrent pas dans ce décompte. En France, connaître le nombre exact de morts au travail relève de l’impossible. Aucune structure, aucun observateur ne rassemble l’ensemble des données. Ce chiffre de 738 ne prend pas plus en compte les morts sur les trajets domicile-travail que les morts de maladie liée au travail. Si on compile les chiffres de l’assurance-maladie, pour 2022, des morts au travail et des morts du travail, on en est à 1 227 victimes.
Un nombre de morts en hausse
Même le premier ministre Gabriel Attal est obligé de le reconnaître : « Trop de Français meurent au travail. » Il peut bien promettre une « grande initiative », la politique menée par le pouvoir macroniste et les gouvernements successifs est en contradiction flagrante avec ses bonnes intentions. La santé au travail n’est pas une priorité. À tel point que, entre 2017 et 2019, les accidents du travail ont augmenté de 33 % et que le nombre de morts au travail a bondi de 14 % entre 2021 et 2022.
« L’hécatombe invisible », comme l’a décrite Matthieu Lépine dans son ouvrage, continue. Et, sans lui, on n’en parlerait probablement qu’une fois par an, à l’occasion de la publication des chiffres de l’assurance-maladie. Son travail est disponible sur son compte X « Accident du travail : silence, des ouvriers meurent » à l’adresse @DuAccident. Depuis le début de l’année 2024, il a déjà décompté près de 100 morts au travail.
C’est avec lui que l’Humanité a décidé de donner encore plus de visibilité à cette question. À partir du 28 avril, Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, l’Humanité – à la manière du travail mené pas l’association Nous toutes sur les féminicides – publiera sur ses réseaux le décompte des morts au travail.
Nous créons également une adresse mail (mortsautravail@humanite.fr) pour que familles, syndicats, collègues puissent nous alerter. Nous essaierons de leur donner un visage, de raconter leur histoire.
Et, pourquoi pas, dès la Fête de l’Humanité, les 13, 14 et 15 septembre, proposer la création d’un observatoire pour que le pouvoir prenne, enfin, de vraies mesures en lien avec les revendications des organisations syndicales et que la France cesse d’être le cancre de l’Europe dans ce domaine.