Après les « petites mains », le « haut du spectre ». Très critiqué sur les résultats pas toujours convaincants de ses opérations « Place nette XXL » contre le trafic de drogue, le gouvernement a annoncé, dimanche, une série de mesures pour « renforcer la lutte contre la criminalité organisée ». Dans un entretien accordé à la Tribune Dimanche, le garde des Sceaux y détaille son plan contre les « gros trafiquants ».
Première mesure de ce plan, l’installation, à l’automne, d’un Parquet national spécialisé, baptisé Pnaco, à l’image de ceux déjà actifs contre le terrorisme (Pnat) et la délinquance financière (PNF). C’est d’ailleurs le premier et désormais ex-patron du Pnat, le magistrat Jean-François Ricard, devenu conseiller spécial du ministre il y a une semaine, qui est chargé de préciser les contours de ce nouvel outil destiné à « mieux coordonner l’action de la justice et la rendre plus efficace » contre les trafics.
Un nouveau statut du repenti, sur le modèle italien
Ce futur parquet pourra compter sur une nouvelle mesure pour nourrir ses dossiers : un véritable statut du repenti, inspiré de celui mis en place en Italie… il y a plus de quarante ans ! À l’origine, de l’autre côté des Alpes, la mise en place de réductions de peine pour les « collaborateurs de justice » concernait d’abord les terroristes des « années de plomb », mais le dispositif avait été élargi pendant les années 1990 aux membres de la mafia.
En échange d’informations nouvelles et déterminantes, ces « repentis » obtenaient une peine réduite (pas en dessous d’un quart de la sentence prévue), mais aussi une nouvelle identité et la protection de l’État pour eux et leur famille. C’est dans ce cadre que Tommaso Buscetta, un ancien membre de Cosa Nostra, la mafia sicilienne, avait pu témoigner contre 479 de ses ex-compagnons, dont le « parrain des parrains » Toto Riina, lors du procès géant de Palerme en 1986.
Si une législation comparable existe en France, « elle est beaucoup trop restrictive, donc peu efficace », a convenu Éric Dupond-Moretti, puisqu’elle « n’a été appliquée qu’une vingtaine de fois depuis 2004 ». Comme en Italie, des « déclarations sincères, complètes et déterminantes » permettant de « démanteler des réseaux criminels » pourront donner lieu à l’attribution de ce statut et à « un changement d’état civil officiel et définitif », ce qui est « totalement nouveau », a souligné le ministre.
Les magistrats « satisfaits » de ces annonces
Dans le même souci de faciliter les procédures engagées contre le crime organisé, Éric Dupond-Moretti a aussi annoncé que les cours d’assises spéciales, composées uniquement de magistrats professionnels, déjà habilitées à juger le trafic de stupéfiants en bande organisée, seraient compétentes pour les règlements de comptes, afin que les jurés populaires ne soient pas l’objet « de pressions ou de menaces ».
Il a enfin indiqué qu’une nouvelle infraction d’association de malfaiteurs en bande organisée, punie de vingt ans de prison, serait créée à destination de ces gros trafiquants. Très sévères sur les opérations « Place nette », les magistrats ont cette fois salué ces annonces. « On peut dire qu’on a été entendus », s’est réjoui Ludovic Friat, le président de l’Union syndicale des magistrats, sur France Info.