Lors de la présentation de son plan de simplification administrative, mercredi 24 avril, Bruno Le Maire avait convoqué Ubu et Kafka pour justifier son grand nettoyage des démarches des entreprises. Il aurait plutôt dû se référer à Milton Friedman et Denis Kessler, tant le maître à penser du néolibéralisme et le pourfendeur du programme du Conseil national de la Résistance ont guidé les propositions du locataire de Bercy pour amoindrir les droits des salariés.
La « simplification » du bulletin de salaire a été condamnée par les syndicats. La future fiche de paie, censée apparaître d’ici à 2027, présenterait en une quinzaine de lignes « les principaux agrégats composant la rémunération, sans le détail des prélèvements sociaux réalisés ».
La loi Florange encore vidée de sa substance
Disparaîtraient alors les références à un siècle de conquêtes sociales : à la qualification à laquelle se rattache le salaire pour ne retenir que le « métier » occupé, ouvrant la voie à la variabilité du salaire sur un même poste ; aux cotisations à toutes les branches de la Sécurité sociale (assurances retraite, maladie, familiale, prévoyance) et à l’assurance-chômage.
Ne figurerait plus qu’un montant total des « charges sociales », du « coût du travail » et de la protection sociale d’un État providence que Le Maire aimerait amoindrir en « État protecteur ». Effacée aussi la mention des montants des exonérations de cotisations patronale et salariale. Seules deux lignes seraient mises en valeur dans l’exemple présenté par Bercy : celle du « coût total employeur » en haut, celle du « total net à payer au salarié » en bas.
Ce qui reste de la loi Florange est par ailleurs mis à la poubelle. La fermeture des hauts fourneaux mosellans en 2012 par ArcelorMittal avait poussé à la création d’une obligation pour un employeur d’avertir ses salariés de son projet de cession d’activité trois mois avant, afin que ceux-ci puissent présenter un projet de reprise en coopérative. Projet déjà diminué à deux mois par Emmanuel Macron en 2015. Son successeur à Bercy rend ineffectif ce « droit à l’information », avec un mois seulement. L’entreprise est sans doute une chose trop sérieuse pour être confiée aux travailleurs.