« Des atteintes substantielles et multiples ». Dans son rapport publié le 25 avril, la Défenseure des droits est claire : les droits des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne sont bafoués de manière « préoccupante » par la police des frontières, « à partir du moment où elles sont contrôlées, jusqu’à leur éloignement du territoire ».
En juillet dernier, Gérald Darmanin avait déployé une « border force » à la frontière franco-italienne, dont 120 militaires de l’opération Sentinelle, plus de 150 gendarmes et policiers, et des drones. Durant deux années, la Défenseure des droits, Claire Hédon a enquêté sur les contrôles effectués quotidiennement par cette « border force » dans les Hautes-Alpes et les Alpes-Maritimes. Elle conclut, sans détour, sur l’irrespect de la « directive retour » prévue par le droit européen.
Des refoulements illégaux face au droit européen
Lors de leur entrée sur les territoires, les personnes traversant les Alpes de l’Italie à la France font face aux procédures ne respectant pas « les garanties juridiques minimales de la directive retour, telles que le recours à une procédure équitable et transparente ». À leur arrivée sur le sol français, la situation des personnes exilées doit supposément être examinée individuellement, elles doivent avoir accès à un interprète et se voir exposer un motif de décision de refus « en fait de droit ». Or, ces droits ne sont pas appliqués, et ce sur une « zone frontalière très étendue et imprécise, ce qui est en contradiction avec le droit européen », alerte l’enquête de Claire Hédon.
Pour les frontières européennes dites « intérieures », le principe de libre circulation s’impose à travers le « Code frontières Shengen ». Mais depuis 2015, la France a rétabli les contrôles par le biais d’une mesure d’exception, renouvelée sans cesse. En février 2024, ce code est modifié. Désormais, « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État » les contrôles sont possibles. Une nouvelle mesure introduite par le Parlement et le Conseil européen permet aussi l’autorisation du transfert « des ressortissants de pays tiers appréhendés dans la zone frontalière et séjournant illégalement sur son territoire vers l’État membre d’où ils sont directement arrivés ».
Pourtant, la Cour de justice de l’Union européenne et le Conseil d’État rappelaient récemment l’obligation pour les États membres « d’appliquer les garanties juridiques minimales » pour que les « droits fondamentaux soient respectés ».
Des « conditions indignes » et des « entraves graves »
Plus loin dans son rapport, la Défenseure des droits rapporte qu’« un grand nombre de personnes interpellées se retrouvent enfermées pendant plusieurs heures voire une nuit entière, dans des locaux présentés comme des espaces de « mise à l’abri », sans fondement légal et dans des conditions indignes ».
Claire Hédon précise que sont concernées des « personnes vulnérables, notamment des familles, des mineurs et des demandeurs d’asile ». Ces derniers, censés bénéficier d’un accueil spécifique, font face à une « entrave grave », contraire au droit d’asile : la « non-entrée ». S’ils sont considérés comme « non entrés », les demandeurs d’asile sont alors directement refusés d’entrée sur le territoire et leur demande d’asile n’est pas prise en compte. Pareillement, les mineurs accompagnés ou non sont victimes de « lourdes atteintes à leurs droits », par des « procédures entravant leur accès à la protection de l’enfance », note la Défenseure des droits.
La Défenseure des droits appelle, en outre, « à faire cesser, dans les plus brefs délais, les procédures et pratiques constatées et à mettre fin aux atteintes multiples portées aux droits des personnes qui sont contrôlées et interpellées à la frontière franco-italienne ». Près de 33 000 personnes ont été refoulées en 2023, et plus de quarante sont décédées en traversant les Alpes franco-italiennes en 10 ans, selon Info Migrants.