Ces images le réveillent encore la nuit et le secouent le jour. Bernard Bousset, 84 ans, se souvient de tout. Des agressions, du regard de son père, du harcèlement policier, des rafles sur les lieux de drague, de ses tentatives de suicide, essoré d’être qui il est, et de son procès pour homosexualité. Noël 1963, Bernard a 21 ans. L’âge de la majorité sexuelle des homosexuels, contre 15 ans pour les hétéros.
Il rencontre un homme de trois ans son cadet, s’en entiche, tant pis pour les mœurs du moment et l’illégalité de la situation. Il passe une douce nuit, belle comme le sont celles des découvertes, de son corps et de l’autre, jusqu’au matin. « Il s’est barré avec mes affaires, il m’a cambriolé ! », fulmine-t-il encore aujourd’hui. Bernard dépose plainte, l’amant forban est retrouvé, s’en tire en rendant simplement son butin enveloppé dans un foulard.
Mais l’histoire n’en reste pas là : « Je suis revenu au poste pour récupérer mes biens et retirer ma plainte, je ne voulais pas qu’il ait d’ennuis. Au moment de partir, l’agent me retient : « Vous allez où ? Vous allez être jugé pour ce que vous avez fait avec un homme, mineur sexuellement en plus ! » Une semaine après, j’étais au tribunal. »
L’audience, devant le tribunal de Bonneville, en Haute-Savoie, se déroule au rythme des moqueries du président et des rires gras de l’assistance, puis se conclut par une condamnation à payer une amende équivalente à deux mois de salaire et la publication de sa peine dans les journaux locaux. Elle donne le ton du reste de sa vie : honte et déshonneur.