Peut-on parler librement de la Palestine en France ? Peut-on nommer en tant que telle la politique coloniale d’Israël et dénoncer ce que la Cour internationale de justice qualifie de « risque de génocide » dans la bande de Gaza ? Depuis l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023, et le début de l’intervention militaire d’Israël dans l’enclave, la pression contre le mouvement de solidarité envers la Palestine et pour un cessez-le-feu est allée crescendo.
Chaque critique sur le régime de Benyamin Netanyahou vaut procès pour antisémitisme. Rien que ces deux dernières semaines, trois conférences organisées par la France insoumise sur Gaza ont été interdites dans les universités de Bordeaux, Rennes et Lille. Plusieurs dizaines de personnes, dont un syndicaliste de la CGT, ont été convoquées par la police ces derniers mois pour avoir exprimé leur soutien à la cause palestinienne. Et autant de manifestations ont été interdites par des préfectures, parfois avec succès, parfois sans.
À Paris, le défilé de ce dimanche 21 avril a bien failli ne pas être autorisé. Un cortège pourtant modeste, qui a rassemblé un millier de personnes depuis le quartier de Barbès pour « une marche contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection des enfants à Gaza ». La mobilisation avait été dans un premier temps interdite, sur décision du préfet de police de la capitale Laurent Nunez.
La raison ? Un tel événement serait susceptible de provoquer « des affrontements avec les forces de l’ordre, créant un risque réel de troubles à l’ordre public » – sans plus d’éléments pour en attester. Mais la préfecture a surtout mis en avant le contexte international : « Cette marche, en souhaitant également porter l’attention sur les enfants de Gaza, est de nature, eu égard aux tensions actuelles au Proche-Orient (…), à porter en son sein des slogans antisémites », peut-on lire dans l’arrêté préfectoral. La justice administrative a levé l’arrêté du 18 avril, qualifiant la décision du préfet d’« atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation ».