En moins d’une décennie depuis sa première implantation dans le pays, la chaîne de magasins à bas prix Action a dépassé toutes les grandes marques. Fin mars, pour la deuxième année consécutive, elle a été désignée « enseigne préférée des Français » par un institut de sondages spécialisé.
Au siège parisien, ce titre a été célébré avec des ballons, du jus d’orange et des petits trophées. Dans ses 800 magasins en France, les 18 000 employés, dont la moitié est à temps partiel et où les femmes constituent l’écrasante majorité, ont eu droit à une brioche ou un gâteau lors des briefings réalisés par les chefs d’équipe.
Pour ce géant européen de la grande distribution, bâti en trois décennies à partir d’un minuscule magasin discount au fin fond des Pays-Bas, c’est une nouvelle consécration. Au total, le groupe compte près de 2 500 magasins dans une dizaine de pays. Son chiffre d’affaires explose : en 2023, il a augmenté de près de 28 %, à 11,3 milliards d’euros. Dans le paysage, la France occupe, pour Action, une place déterminante.
C’est dans notre pays que les Néerlandais réalisent leurs plus gros résultats : alors que les bénéfices nets pourraient, d’après un expert consulté par l’Humanité, tourner autour des 120 à 150 millions d’euros, le chiffre d’affaires d’Action flirte, en 2023, avec les 4,5 milliards d’euros, soit un milliard de plus qu’en 2022.
Chez Action, un turnover de 59 % des effectifs
L’expansion est considérable, mais dans ses communications internes à l’adresse de ses employés, le géant ne lésine pas sur les fadaises aux accents paternalistes. « Tout comme toi, il nous faut joindre les deux bouts à la fin du mois, fait mine de constater, par exemple, Action en prenant son personnel à témoin. Tu dois donc toujours t’efforcer de voir comment faire les choses plus intelligemment pour faire des économies. »
En pratique, au-delà de son inventivité marketing et logistique – l’essentiel du modèle économique repose sur une offre originale, bas de gamme mais bon marché, avec des approvisionnements via le déstockage et des livraisons par camions à double pont –, la chasse aux coûts peut concerner directement les employés, à coups de compressions d’effectifs dans les magasins et de salaires rigoureusement alignés sur le smic. À l’automne 2023, le Monde avait révélé un taux de turn-over, 59 %, proprement vertigineux chez Action, pointant également des résultats en matière d’accidents du travail plus élevés que chez Amazon.
Interrogée sur ces chiffres par l’Humanité, la direction d’Action dit observer, elle, « une baisse des accidents de travail entre 2022 et 2023, alors que cette même année, l’entreprise a ouvert 75 nouveaux magasins et recruté près de 2 500 nouveaux collaborateurs en France ». De manière plus globale, le groupe qui, précise-t-il au passage, « ne commente pas les situations individuelles » vante les « perspectives d’évolutions professionnelles », dans sa réponse à notre sollicitation.
« Action a une politique de recrutement claire avec pour fondement la motivation des candidats plus que leurs compétences, ajoute un porte-parole en France. Ces facteurs sont également ceux qui permettent d’offrir des promotions internes à nos équipes : 769 employés ont été promus en 2023 et plus de 860 promotions internes sont prévues en 2024. Par ailleurs, les effectifs d’Action sont également notablement constitués d’étudiants, qui quittent l’entreprise une fois leurs études terminées. »