L’école de la République est au cœur de l’actualité depuis plusieurs semaines. L’ambition que l’on nourrit pour elle, dans un pays vieillissant comme le nôtre, donne le ton de l’ambition que l’on nourrit pour toute la jeunesse. Or, malgré un premier ministre et un président les plus jeunes de la Ve République, les idées de ce gouvernement n’ont jamais paru aussi rétrogrades et éloignées des besoins d’émancipation. De réforme en réforme – Parcoursup, bac… –, l’exécutif s’en tient à la même orientation libérale et autoritaire que sur d’autres projets. Il poursuit la casse d’un service public unifié, garant de l’égalité républicaine, pour donner toujours plus de faveurs à l’enseignement privé sans contrôle… mais avec des fonds publics.
Le choc des savoirs matérialise la fin du collège unique, vieille revanche de la bourgeoisie réactionnaire. Les enseignants, déboussolés et déconsidérés, vont connaître, eux, leur troisième réforme du métier en quinze ans. En toile de fond, ces projets portent une vision utilitariste de l’école, loin de la vocation première de l’éducation, qui doit assurer l’égalité républicaine en donnant les moyens à chaque jeune, quel que soit son milieu social, de pouvoir apprendre, découvrir et préparer son avenir.
Face aux atteintes multiples à la laïcité et aux violences, réelles et insupportables, la réponse n’est pas dans l’instrumentalisation, pour stigmatiser les quartiers populaires, mais dans une politique éducative et de prévention. Comment s’étonner que la jeunesse soit désorientée dans un monde si brutal où l’éducation nationale et les autres services publics n’assurent plus leur mission ? L’école est à l’image d’une société à l’abandon. Les mêmes individus, délaissés dehors, souffrent aussi dans l’institution scolaire. Les établissements sont mis en concurrence, avec des directeurs incités à gérer comme des manageurs, quand les parents tentent de trouver, légitimement, le meilleur pour leurs enfants.
Il ne faut pas crier à la défense de la République quand on donne plus, proportionnellement, à l’enseignement privé qu’à l’école publique – sans être exigeant sur son fonctionnement malgré les scandales. C’est par des politiques publiques globales que nous arriverons à faire société commune et à donner à chaque enfant de la République les clefs pour réussir et non par des politiques de saupoudrage pour réparer la tuyauterie ou la mise en place de l’uniforme.
Il est temps de changer de logiciel. C’est ce qui anime les nombreux collectifs de lutte partout sur le territoire. Ici pour sauver une école en milieu rural, là pour permettre la défense d’un élève sans papiers ou encore pour exiger le recrutement d’enseignants qui manquent tant dans des quartiers populaires ou ultramarins. La bataille du collectif intersyndical et de parents d’élèves pour un plan d’urgence en Seine-Saint-Denis est, à cet égard, exemplaire et symptomatique. Faute de remplaçants en nombre suffisant, un enfant de ce département y perd un an de classe dans toute sa scolarité… Cette bataille locale dure depuis fin février et réclame un plan pour recruter 5 000 enseignants, 3 000 AESH et d’autres personnels d’encadrement. Ni plus ni moins que tout autre territoire parce qu’il s’agit d’une question de droits. Gageons que cette lutte essaime dans tout le pays.