Le gouvernement veut « mettre fin à la guerre de religion qui oppose pro nucléaires aux pros renouvelables »… sans le Parlement. Dans une interview accordée au Figaro, le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, Roland Lescure, a dévoilé mercredi soir les contours de la nouvelle programmation pluriannuelle (PPE) de l’énergie.
Une feuille de route sans cesse repoussée, après le rendez-vous manqué d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), qui n’a jamais vu le jour, malgré l’obligation légale qui l’imposait avant le 1er juillet 2023.
Les conclusions de sept groupes de travail transpartisans, pilotés par l’ex-ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, ont permis de dégager, en septembre, une centaine de pistes sur lesquelles s’est plus ou moins adossé Roland Lescure dans cette « nouvelle » stratégie, pas si « nouvelle ».
Le nucléaire en première ligne
Jeudi, Bercy a confirmé que, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la production d’électricité bas carbone devrait passer de 450 térawattheures (TWh), actuellement, à 650 TWh par jour en 2035. La stratégie prévoit de remettre la filière du nucléaire au niveau de son plus haut historique, avec une production de l’ordre de 400 TWh, en lançant la construction de six EPR 2 pour une entrée en production entre 2035 et 2042.
Concernant le renouvelable, l’exécutif compte mettre le paquet sur le solaire en multipliant par cinq l’électricité photovoltaïque produite pour atteindre 100 GW de capacité installée (93 TWh de production). Il mise ainsi sur la relance d’une filière de production nationale de panneaux photovoltaïques d’une capacité de 10 à 15 GW. « De quoi alimenter le marché intérieur et exporter », précise le cabinet. Quant à l’éolien terrestre, bête noire de l’extrême droite et d’une partie des LR, le gouvernement prend moins de risques en suggérant de doubler la production pour arriver entre 40 et 45 GW.
Pour ce faire, Roland Lescure entend se passer d’un débat parlementaire, et donc d’une loi, préférant emprunter la voie réglementaire. Un décret devrait être adopté d’ici la fin de l’année, à l’issue d’une concertation publique de deux à trois mois devant débuter en mai. Le gouvernement va donc saisir, dans la semaine, la Commission nationale du débat public (CNDP) par courrier pour l’engager.
« Concrètement, un prochain gouvernement pourra, d’une simple signature, modifier complètement les engagements climatiques et énergétiques de la France, créant une instabilité totale à l’opposé de l’esprit de planification », s’offusque Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique à Greenpeace France, dans un communiqué. Une critique partagée par le Réseau Action Climat : « Un débat parlementaire est fondamental pour construire une vision partagée et pérenne sur l’ambition en termes d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables. »
Un autre volet sur la protection des consommateurs face à d’éventuels abus des fournisseurs sera, en revanche, présenté aux parlementaires.