La pluie battante n’arrête pas les étudiants communistes parisiens. Entre une giboulée d’avril et une éclaircie, les militants de l’Union des étudiants communistes (UEC) et du Mouvement des Jeunes communistes de France (MJCF) se rassemblent aux abords du campus de Jussieu, rue Cuvier.
Ils y inaugurent « symboliquement », une future résidence Crous qui accueillera 570 chambres et prendra place dans un ancien bâtiment de la faculté, avec vue sur le jardin des plantes.
« J’ai enseigné dans ces bâtiments, ils sont moches, peu pratiques et bruyants, mais avec la rénovation qui va s’effectuer, ce sera chouette et calme. Les étudiants seront en plein quartier latin et c’est assez symbolique de l’action politique », se réjouit Jean-Noël Aqua, conseiller PCF de Paris dans le 13e arrondissement et délégué aux universités, à la vie étudiante et à la recherche et enseignant-chercheur en physique. Selon lui, la localisation de cette future résidence attisait la convoitise de nombreux promoteurs. « Mais ils devront attendre au moins 50 ans ! », s’amuse l’élu communiste.
« Il nous manque énormément de logements, sociaux notamment et un mouvement social pour le logement. Cette mobilisation tombe à point nommé », relève Jacques Baudrier, l’adjoint PCF au logement de la capitale. Il dénonce les locations touristiques en constante augmentation, ainsi que les 262 000 logements inoccupés.
Sous son parapluie, l’élu estime que « ce n’est plus de la spéculation, c’est une trop grande richesse qui fait que plein de gens sont à la rue malgré les logements vides. » La résidence dont les travaux vont bientôt démarrer sera « la plus grosse création de logements sociaux étudiants depuis des décennies en Île-de-France. Ce sera l’équivalent d’une année, puisque tous les ans, la municipalité en crée 600. »
Une situation de crise sans précédent pour les étudiants
Plus tard, dans l’après-midi, les militants de l’UEC se rendent devant l’entrée du campus, urne et kakémono en main, tracts et bulletins de vote dans les sacs. Une simple petite feuille avec une case « oui » et une case « non ». La question : êtes-vous pour une construction massive de cités universitaires afin que chaque boursier, puis un maximum d’étudiants, ait accès à un logement public et peu coûteux ? Certains étudiants passaient devant les militants et leur table politique sans y prêter attention.
Mais beaucoup se sont arrêtés au cours de la journée pour discuter et finalement voter. Derrière l’urne, Paul et Alban, assesseurs du jour. Dès qu’une personne vote, Paul n’hésite pas à prolonger vers les élections européennes : « Vous êtes bien inscrite sur les listes électorales pour le 9 juin ? Vous pouvez vous rendre sur le site service public, il vous reste un mois ! »
Léna Raud, secrétaire nationale de l’UEC, qui a chapeauté l’organisation des référendums, sur plus d’une vingtaine d’universités du pays, ajoute que « chaque semaine, nous devrions être devant une cité universitaire qui vient d’ouvrir, puisque le logement, c’est une garantie de la réussite des étudiants. Nous disposons aujourd’hui d’un logement Crous pour 17 étudiants. »
Selon elle, pour que l’ensemble des boursiers soient logés, il faudrait construire « 546 000 places en cité U. Ce chiffre est colossal. Mais il est surtout le résultat d’une situation que la politique du gouvernement a laissé pourrir. » « Les étudiants sont dans une situation de bizutage social », constate Barbara Gomes, conseillère de Paris (PCF) déléguée à l’encadrement des loyers et à la protection des locataires.
Changer de région entre chez soi et son lieu d’études
De l’autre côté de la table, quelques étudiants discutent tracts en main. Sarah, étudiante en médecine, a voté « oui ». Elle habite dans le Val-de-Marne, chez ses parents, et ne souhaite pas pour l’instant avoir son propre logement, mais assure qu’il est nécessaire d’en construire davantage.
De son côté, Mathieu, étudiant en première année de master en sciences du climat et de l’atmosphère, a réussi à trouver un studio : « J’ai eu la chance de l’avoir par de la famille donc je peux louer à moindres frais. Mais c’est vraiment un coup de bol parce que sur Paris, tous mes potes ont eu énormément de galères. »
« Ça me crève le cœur, parce que ce sont mes étudiants. »
Jean-Noël Aqua, enseignant
Certains de ses amis, résidant en Crous se sont vus demander de partir pour l’été afin d’accueillir le personnel des Jeux Olympiques. « Une grande partie de ces étudiants doivent travailler à Paris pendant les vacances et ils n’auront pas de logements, ils vont devoir se débrouiller, se loger ailleurs, refaire de l’administratif… Donc, il y a besoin d’un parc de résidence étudiante pour les étudiants et étudiantes ! », insiste Mathieu.
Jean-Noël Aqua explique rencontrer de nombreux étudiants avec des problèmes de logements, de santé, d’accès à l’alimentation… « Et donc en galère pour faire leurs études. En tant qu’enseignant, ça me crève le cœur, parce que ce sont mes étudiants. On a tous envie qu’ils réussissent. Sauf que moi, je le vois concrètement, tous ceux qui sont obligés de travailler à l’extérieur sont très souvent ceux qui vont être en échec scolaire. C’est énervant de voir des étudiants qui sont à la fac, et voir qu’on ne leur offre pas des conditions matérielles dignes de ce nom. »
Maëva est étudiante infirmière et faute de moyen, elle ne peut vivre à Paris et est restée vivre chez ses parents, à Orléans (Loiret). Elle prend le train matin et soir, espérant pouvoir avoir accès, un jour, à un logement Crous. À la fin de la journée, les étudiants communistes parisiens se sont rassemblés pour dépouiller les bulletins de vote et récupérer les résultats des autres villes. Au total, 10 000 étudiants de l’hexagone ont participé, sur 25 campus, et 97 % ont voté « oui » à la construction massive de logements Crous, informe Léna Raud. À bon entendeur…