« C’est pénible de se faire nasser sous la pluie. » Pour ces quelques mots, le secrétaire départemental de la CGT de Seine-Saint-Denis, Kamel Brahmi, a été arrêté par les forces de police, ce 4 avril, au motif « d’outrage » avant d’être placé en garde à vue au commissariat de Saint-Denis. Le représentant syndical participait à un rassemblement symbolique et pacifique, dans le cadre de l’inauguration par Emmanuel Macron du stade nautique de Saint-Denis.
Plusieurs dizaines d’habitants, dont des enseignants, des parents d’élèves, des militants syndicaux, s’y étaient donné rendez-vous afin de dénoncer, face au chef de l’État, les multiples maux frappant leur département et donner un écho à leurs luttes engagées sur plusieurs fronts.
« Tout se passait bien, dans le plus grand calme, quand notre cortège est arrivé aux abords du stade de France. Notre rassemblement a duré une vingtaine de minutes, avant que les policiers nous conduisent sous escorte vers le RER B, sous une pluie battante », raconte Jules Rondeau, syndicaliste CGT qui a assisté à toute la scène.
Pour échapper à la virulence du policier
Sur le trajet, à 500 mètres du RER B, station La Plaine, Kamel Brahmi aurait alors eu ces mots : « C’est pénible de se faire nasser sous la pluie. » Des propos saisis au vol par un agent de la Brav-M, qui aurait alors interpellé le représentant syndical : « Monsieur, vous avez dit que je suis pénible ? » Pour calmer la tension et échapper à la virulence du policier, Kamel Brahmi aurait par la suite rejoint le reste du cortège.
Au moment de s’engouffrer dans la bouche de RER, un autre agent de la Brav-M s’approche du petit groupe dont il faisait partie pour imposer un contrôle d’identité qui se serait éternisé et se serait conclu par l’arrivée d’une voiture de police, dans laquelle le responsable syndical a été embarqué.
« La question que l’on se pose, c’est le lien entre cette interpellation et l’identification de Kamel comme secrétaire de l’UD 93 puisqu’il encadrait le cortège à ce titre », s’interroge le militant CGT. Ce dernier tient à préciser que « Kamel est un père de famille qui a toujours été très vigilant à éviter le moindre débordement, même en fin de manifestation, afin que les camarades ne se mettent pas en danger », précisant que plusieurs manifestations d’enseignants avaient eu lieu samedi dernier, dans le cadre de la mobilisation pour les écoles, encadrées par des policiers du 93, et que « tout s’était très bien passé ».
La colère domine parmi les manifestants qui dénoncent l’interpellation « injuste » d’un représentant syndical chevronné qui « n’a jamais été dans l’outrage ».
« Répression antisyndicale »
Un appel au rassemblement prévu à 12 h 30 devant le commissariat central de Saint-Denis, au 10 avenue Jean-Moulin, a été lancé par l’Union départementale de la CGT 93, l’URIF, la Ferc, la CGT Éduc’Action 93, la CGT Éduc’Action, la Confédération Générale du Travail. Élus communistes, syndicats d’enseignants, associations de parents d’élèves, militants syndicaux ont convergé de tout le département pour appeler à la libération dans les plus brefs délais de Kamel Brahmi.
« Une fois de plus, un militant de la CGT est arrêté, dans le cadre de l’exercice de son activité syndicale », s’est indignée la CGT dans un communiqué. Pour l’organisation, qui annonce avoir alerté la conseillère sociale de la ministre Belloubet et le préfet Nunez, cette arrestation « s’inscrit dans une longue liste de syndicalistes de la CGT attaqués dans le cadre de leur activité syndicale, preuve de l’intensification de la répression antisyndicale et de la criminalisation du mouvement social, en France. »
Un constat partagé par Sofia Boutrih, conseillère municipale communiste à Saint-Denis : « Nous ne pouvons rester passifs face à cet acte hautement symbolique, au moment où nous tentions de donner un écho à nos difficultés, aux différentes luttes sociales dans lesquelles le département est engagé, à la détresse des enseignants et des familles qui se battent sans relâche depuis cinq semaines pour obtenir des conditions de scolarité dignes pour les enfants. Les Jeux olympiques n’effaceront pas ces difficultés. On ne peut pas arriver en grande pompe comme le chef de l’État l’a fait et ignorer toutes ces souffrances », fustige Sofia Boutrih.
L’intersyndicale CGT-FSU-SUD-CNT, qui a également publié un communiqué appelant à la « libération immédiate » de Kamel Brahmi, rappelle que « cette mobilisation qui dure depuis six semaines s’inscrit dans un contexte plus général de contestation sociale » et avertit : « Cette volonté de répression syndicale dans un climat social tendu ne passera pas. »
Jeudi à 19 heures, après sept heures passées en garde à vue, Kamel Brahmi a été relâché « grâce à la mobilisation », selon ses soutiens. Il est convoqué au tribunal le 11 juin prochain.
À sa sortie, il s’est exprimé devant les militants venus l’accueillir :