À quelques semaines de la présentation du prochain Plan National d’adaptation au changement climatique (PNACC3), l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a remis, le vendredi 5 avril au ministre de la Transition Écologique Christophe Béchu, un rapport sur les coûts de l’adaptation. Parmi ses principaux enseignements figure l’importance de sortir des logiques de réaction et de réparation en faveur d’une logique d’adaptation. L’I4CE explique également que l’évaluation des coûts de l’adaptation est déterminée par le choix non seulement d’une trajectoire de réchauffement, mais également des niveaux de préparation décidés en réponse.
Une trajectoire à +4 °C
Pour cette première évaluation, l’I4CE a ciblé trois secteurs pour lesquels les impacts du changement climatiques nécessiteront plusieurs milliards d’euros par an de dépenses nouvelles face au réchauffement climatique : le bâtiment, les infrastructures de transport terrestres et les productions agricoles végétales.
Si l’ensemble du périmètre du PNACC n’est pas pris en compte, le ministère de la Transition écologique souligne une « évaluation des implications économiques inédite » et indique que « cette première estimation est très précieuse. Elle est essentielle pour informer et piloter la politique d’adaptation et toutes les politiques publiques qui devront anticiper et intégrer les impacts du changement climatique. »
Mais le rapport fait état de disparités dans les coûts envisagés… et dans la précision des estimations. Ce sont « des premiers ordres de grandeurs », précise l’I4CE qui propose des « éléments de chiffrage mais pas de coût unique de l’adaptation ». Le ministère insiste : « La réponse est sectorielle, temporelle. On n’agit pas de la même façon sur des choix du réseau ferré qui a une durée de vie à 70 ans et sur des choix d’infrastructures amortis sur 10 ans. Le niveau de réchauffement au terme de la durée de vie ne sera pas le même. »
Les coûts seront donc également fonction du réchauffement anticipé et choisi pour calibrer l’adaptation. Un exemple donné par l’I4CE : « Alors que 48 % du parc de bâtiments en France hexagonale seraient exposés à un risque fort ou très fort avec un réchauffement de +2 °C, la proportion passerait à 93 % à +4 °C ».
En termes de trajectoire de réchauffement, le ministère de la Transition écologique assume : « L’I4CE se base sur la trajectoire de référence validée par le ministre qui nous amène à un réchauffement de +4 °C en 2100, +2,5 °C en 2050. » Une antienne qui sonne comme une fatalité, alors que, dans le discours gouvernemental, l’adaptation semble avoir remplacé la lutte contre le changement climatique et le respect des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.
« Que souhaite-t-on à tout prix conserver ? »
Outre la trajectoire de réchauffement, le rapport de l’I4CE soulève des questions aux implications vertigineuses. Celle des choix : « La principale question pour déterminer les coûts de l’adaptation est : que souhaite-t-on à tout prix conserver ? Question qui peut se décliner : qu’est-on prêt à transformer, à quoi est-on prêt à renoncer ? » – sans pour autant prendre le risque d’évoquer une quelconque sobriété.
Et, comme un corollaire, celle des inégalités, car le changement climatique frappera d’abord les plus précaires. L’I4CE pointe que l’adaptation est essentielle, plutôt que la seule logique de réaction aux effets du changement climatiques, dont les coûts s’avèrent plus importants. Et auxquels « s’ajoutent des conséquences socio-économiques élargies (impacts sur le système de santé, la productivité du travail, l’efficacité des réseaux de transport, la balance commerciale, etc.) qui pèsent sur toute l’économie et renforcent les inégalités territoriales et sociales. »
La façon de se préparer est donc un enjeu clef dans les impacts économiques de l’adaptation au changement climatique selon le rapport, y compris en termes de répartition des coûts. « Les coûts et les bénéfices de l’adaptation seront distribués très différemment au sein de l’économie selon les choix qui seront faits – directement portés par les ménages, relevant de quelques grands acteurs ou bien pris en charge par la puissance publique – laissant donc une part importante dans la décision aux arbitrages stratégiques et politiques. »
Si le ministère annonce un Plan national d’adaptation qui « vise à mettre en place une politique d’adaptation juste, crédible et solidaire. », le partage des coûts de l’adaptation est bel et bien à l’étude. Avec le risque de les voir peser sur la population, particulièrement les plus précaires.