C’est une révolution dans les transports à Lyon. Jeudi 28 mars, le conseil d’administration de Sytral Mobilités, l’autorité organisatrice des transports lyonnais, a entériné l’attribution en deux lots de l’exploitation du plus grand réseau de transports en commun, hors région parisienne.
Pour Béatrice Vessiller, vice-présidente écologiste de la métropole, « la saine concurrence a pleinement joué son rôle, avec un vrai choix, entre de vrais professionnels du transport public », répondant ainsi à une recommandation de la chambre régionale des comptes formulée dans son rapport de juillet 2019.
Dans le détail, RATP Dev hérite du lot « modes lourds » (métros, tramways), contre 2,025 milliards d’euros sur dix ans. Jusque-là seul opérateur, Keolis, filiale à 70 % de la SNCF, ne gérera plus que les bus et trolleybus, contre 1,616 milliard d’euros sur six ans.
« La mise en concurrence entre Keolis et RATP Dev est artificielle »
Le choix des opérateurs s’est fait à la quasi-majorité du conseil d’administration. Les élus communistes n’ont pas pris part au vote. « Nous nous étions opposés au principe même de l’allotissement lors de sa mise au vote, contraire aux engagements pris devant les électeurs en 2020. Dès lors, nous n’avions pas d’a priori sur les travaux réalisés par le service. Mais la mise en concurrence entre Keolis et RATP Dev est artificielle, entre deux acteurs détenus par le public », mesure Marie-Christine Burricand (PCF). Les communistes plaident pour un retour en régie publique des transports lyonnais, « comme la métropole a su le faire sur l’eau », note l’élue.
La CGT, opposée au projet, s’inquiète des conséquences sociales de ce saucissonnage. « Le modèle économique repose sur la délégation de service public. Or, dans ce cadre, la principale variable d’ajustement, ce sont les conditions sociales des salariés », insiste Jacky Albrand, élu au CSE et responsable de la branche des transports publics urbains à la FNST-CGT.
Selon le responsable syndical, 500 salariés manquent déjà sur le réseau lyonnais, l’empêchant de fournir une offre pleine, notamment pour les bus. « Les salariés joueront de la concurrence entre RATP Dev et Keolis pour obtenir de meilleures conditions de travail, prévient Jacky Albrand. Ces deux opérateurs se battront sur un même territoire pour recruter. C’est une mauvaise stratégie. » D’autant que, selon le responsable syndical, un chauffeur de bus à Lyon débute avec 300 euros brut en moins qu’à Marseille et 420 en moins qu’à Clermont-Ferrand.
Une dégradation du réseau à prévoir
Dans le cahier des charges des appels d’offres, la métropole de Lyon a « bâti un socle social garantissant aux salariés actuels la continuité de leurs rémunérations, droits et acquis sociaux », assure Bruno Bernard, son président écologiste. Pour autant, selon le responsable cégétiste, « dès les négociations annuelles obligatoires de 2025, nous risquons d’avoir des différences de traitement entre les salariés bus et du mode lourd ».
Il ajoute : « Une entreprise de 4 500 salariés, comme c’est le cas actuellement, offre des perspectives d’évolution. Un conducteur peut passer du bus au métro. Cela permet d’éviter des usures prématurées. Dans des secteurs en tension, quel est intérêt pour une entreprise de lâcher des chauffeurs chez un concurrent ? »
Une dégradation des conditions de travail qui aura, selon le cégétiste, des retombées sur la qualité de l’offre. « Un réseau unifié permettrait des synergies entre les métiers. Demain, des situations complexes sont à prévoir. Quand un métro tombera en panne, quel intérêt aura le concurrent à déshabiller ses propres lignes pour mettre en place des bus de secours ? » relève Jacky Albrand. Qui prévient : « Pour qu’un réseau de transports fonctionne, les salariés doivent être bien dans leur métier. On n’en prend pas le chemin. Les usagers risqueront d’avoir un réseau à deux vitesses. »