« Écrivons la suite des jours heureux. » C’était le titre de la journée organisée par la CGT, le 15 mars dernier, pour marquer les 80 ans de l’adoption du programme du Conseil national de la Résistance. Une table ronde historienne, une deuxième d’actualité avec la quasi-totalité des dirigeantes et dirigeants des organisations syndicales ont marqué la matinée. Rue du Four, un hommage militant et culturel a suivi, devant l’appartement où s’est tenue la première réunion, le 27 mai 1943, du Conseil national de la Résistance, alors présidé par Jean Moulin. Écrit dans la nuit noire de l’Occupation, le programme du CNR ne cesse de nous étonner par sa puissance et sa force d’anticipation ! Son titre « les Jours heureux » est en lui-même un message d’espoir. Il a été donné à la petite brochure qui devait faire circuler le programme sous le manteau. Le titre devait masquer le programme, il l’a rendu célèbre.
Il comprend deux parties : l’action immédiate et les réformes nécessaires à la fondation d’une République démocratique et sociale. Neuf mois et six versions différentes seront nécessaires pour parvenir à son adoption le 15 mars 1944. Il est élaboré dans les conditions drastiques de la clandestinité, la menace est partout. Pourtant ses concepteurs n’en rabattent ni sur l’élaboration démocratique, ni sur la volonté de s’unir. Les divergences et conflits politiques n’ont pas disparu, ils sont passés au second plan. Dans le CNR, chacun des membres représente plusieurs organisations, un tiers est syndicaliste. La CGT, qui vient, en 1943, de se réunifier apporte son expérience de construction de compromis positifs. Peu diffusé pendant la clandestinité, le programme sort de l’ombre à la Libération. Il faut alors batailler pour que les réformes qu’il préconise soient prises en compte par les nouvelles autorités, général de Gaulle en tête, qui n’y fait jamais référence.
Le pays est exsangue. Les jours sont plus que difficiles pour la population. Pour créer la dynamique de reconstruction et fonder les bases de la République démocratique et sociale ambitionnée, l’unité est plus nécessaire que jamais. Le CNR, présidé par Louis Saillant, de la CGT, décide de ne pas se dissoudre et engage un processus de mobilisation populaire et démocratique, ancré dans les territoires : les états généraux de la renaissance française. L’adéquation entre les réformes économiques et sociales préconisées par le CNR et les exigences démocratiques de la population nourrissent une dynamique exceptionnelle qui fait que les réformes sont votées par la quasi-totalité des forces politiques, droite comprise. Cela compliquera les offensives de détricotage qui ne tarderont pas à se manifester. La période contemporaine les décuple.
La « refondation sociale » portée sur ses fonts baptismaux par le Medef vise explicitement à en finir avec le « compromis social issu de la Libération ». Plus près de nous, Emmanuel Macron se livre à une incroyable usurpation. En avril 2020, il promet : « Nous retrouverons les Jours heureux », puis il capte le sigle CNR pour son opération de Conseil national de la refondation. Il baptise son parti « Renaissance » , du nom des états Généraux organisés par le Conseil national de la Résistance. À son corps défendant, il démontre ainsi la force jamais éteinte de l’ambition émancipatrice démocratique et unitaire du programme du CNR. À nous, Il revient d’en reprendre la dynamique et la force d’espoir pour en poursuivre l’écriture.