Il est habituel pour les aides à domicile et leurs bénéficiaires de contacter les services de coordination et d’astreinte en cas de besoin. « Quelle famille nécessite une prestation ? » ; « Comment prodiguer tel soin ? » ; « J’ai un souci de transport comment le régler ? » Voici les questions que peuvent poser ces professionnels du médico-social aux coordinateurs. Une aide précieuse.
Mais, au sein de l’agence d’Onela, installée dans le onzième arrondissement de Paris, on ne prend plus aussi vite les appels téléphoniques le soir depuis que le 1er février, une partie des salariés du spécialiste dans le service à la personne, est entrée en conflit avec leur direction.
Ce vendredi 29 mars, ils sont une petite dizaine à s’être rassemblés devant le siège du groupe Colisée international, gestionnaire de maisons de retraite en France et propriétaire de la marque Onela. « Salariés pas esclaves » dénonce une banderole déployée sur des barrières.
« Nous demandons une revalorisation de notre salaire en vertu du fait que notre employeur nous fait travailler pour une soixantaine d’ établissements en France alors que sur notre contrat il n’y a qu’un seul numéro de SIRET », lance Bridgette, coordinatrice d’astreinte depuis 2021.
13 centimes d’augmentation
Les salariés mettent en cause la structure mise en place par leur employeur. À son arrivée dans l’entreprise, Bridgette a convenu de travailler pour Onela. Mais l’an dernier, elle a appris lors d’un CSE qu’en réalité les employés ne travaillaient pas seulement pour cette structure mais également pour deux autres marques du groupe Colisée : Nouvelles Horizons et Nouvelles Horizons PACA. « À partir de là, nous avons décidé de nous mettre en grève pour dénoncer ces conditions de travail et demander des augmentations de salaire », explique Marisa, responsable adjointe du service et employée de l’entreprise depuis 12 ans.
À cette surprise s’ajoute une configuration du travail particulièrement décriée par les grévistes. Habituellement, Bridgette et ses collègues décrochent les appels des bénéficiaires et ceux des auxiliaires de vie lorsque les autres agences d’Onela sont fermées : tous les soirs en semaine de 17h à 22 h, les week-ends et les jours fériés. « Il arrive que des salariés travaillent de 11 heures jusqu’à 22 heures les samedis et dimanche. Cela fait 10 heures de travail d’affilée avec une heure de pause. Ce n’est pas normal », regrette Marisa.
Sans compter qu’ils doivent jongler avec les casquettes de coordinateur, psychologue ou lanceurs d’alerte. « Un soir, un bénéficiaire qui habite à Nice m’a contacté en urgence car son auxiliaire de vie n’arrivait pas à le rejoindre, raconte Henri* (son prénom a été modifié). Celui-ci avait fait un accident de voiture. J’ai donc été obligé d’appeler les pompiers pour qu’ils puissent intervenir parce que personne ne pouvait aider le bénéficiaire à manger ».
Encore sept mobilisés
Aujourd’hui, ils ne sont plus que sept sur douze à se mobiliser à cause du manque à gagner que représentent deux mois de lutte. « Nous nous partageons une caisse de grève de 3 000 euros, je comprends que certains se soient remis à travailler », compatit Bridgette.
Mais la jeune salariée de 27 ans ne se voit pas reprendre le travail sans accord satisfaisant. Surtout pas après les récents propos du directeur général d’Onela, Laurent Ostrowsky auprès du média Streetpress. Pour dénoncer leurs conditions de travail, les grévistes partagent depuis le début de leur mobilisation des affiches d’une personne noire bâillonnée avec le message : « Salariée mais pas esclave ».
Le directeur aurait alors, lors d’une séance de négociations, lu aux grévistes ce qu’était la définition d’esclavage. Et revenant sur cet épisode auprès de nos confrères, Laurent Ostrowsky se serait justifié en expliquant que « « la responsable de ce service, c’est compliqué de la qualifier d’esclavagiste ou de raciste, je ne vous fais pas de dessin… La numéro deux du service, pareil, elle ne vient pas de Corrèze » », rapporte le média en ligne.
« la direction nous avait proposé 36 centimes de revalorisation puis la seconde fois c’est descendu 13 centimes ! »
Marisa, responsable adjointe du service et employée de l’entreprise
« Cela ne faisait pas partie de nos revendications à l’origine mais nous exigeons du respect de notre direction parce qu’il se permet récemment d’avoir des propos racistes », commente Bridgette. Mais de son côté, Laurent Ostrowsky se défend de « propos inexacts ». « Nous ne souhaitons pas entretenir des débats polémiques pour donner toutes les chances de réussite à cette médiation. L’objectif étant d’aboutir à la reprise du travail dans la sérénité de ces 7 salariés, pour le bien-être de tous nos bénéficiaires et de nos salariés qui font confiance à ONELA », poursuit-il.
C’est donc enkystés dans ce conflit, que les salariés peinent à se projeter sur une issue. Neuf séances de négociations ont déjà été organisées sans qu’elles ne puissent déboucher sur une sortie heureuse. Le bât blesse sur les demandes salariales. « Nous demandons une augmentation de 17 euros nets par mois. Mais la première fois, la direction nous avait proposé 36 centimes de revalorisation puis la seconde fois c’est descendu 13 centimes ! », fulmine Marisa.
« Dans la continuité de sa politique de dialogue social, ONELA a sollicité une médiation auprès du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP) qui a désigné un médiateur certifié et assermenté pour encadrer un échange constructif avec les salariés concernés », précise Laurent Ostrowsky. Une prochaine réunion devrait avoir lieu la semaine prochaine.