Un taux de non remplacement des professeurs absents de 15 %, une sous-dotation en policiers et en magistrats, des délais d’attente à rallonge dans les CAF… La Seine-Saint-Denis n’est pas aussi bien traitée que les autres territoires. Le maire PCF de Montreuil, Patrice Bessac, espère aboutir à un projet de loi pour mieux observer ces injustices et y remédier.
Que révèle ce rapport que vous avez rendu public ?
La Seine-Saint-Denis est dans une situation inégalitaire. Les habitants de notre territoire sont moins égaux que d’autres devant les services publics fondamentaux. Après la mort de Nahel, des personnalités ont laissé entendre que l’on déversait un “pognon de dingue” sur la banlieue, en pure perte. Nous démontrons que non seulement nous n’avons pas plus que les autres, mais qu’en réalité nous avons moins qu’une bonne partie des départements français. Ce rapport vise à faire la clarté sur l’engagement de l’Etat en matière de droit commun. L’Etat traite les territoires avec une certaine persistance monarchique. De temps en temps, un ministre vient et annonce 10 postes par-ci, 10 postes par-là. Je veux donc construire une alliance, avec la France rurale et les départements qui sont comme nous en situation d’inégalité pour les mettre à jour. Nous voulons aboutir au dépôt d’une proposition de loi pour faire la transparence sur l’engagement réel de l’Etat et ses manquements.
Il n’est pas juste que les élus locaux et les citoyens ne puissent mesurer l’engagement réel de l’État sur des choses simples : le nombre d’enseignants, leur taux de remplacement, le nombre de policiers par 10 000 habitants… Ce sont des chiffres concrets qui permettent de constater l’égalité des territoires à l’échelle nationale. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est déplacé à Montreuil en 2021. Il a reconnu que notre ville était défavorisée en nombre de policiers. Quatre ans après, nous en avons encore moins. Ce qui est valable pour la police nationale l’est aussi pour la CAF. Les personnes handicapées attendent en Seine-Saint-Denis six semaines pour avoir une réponse à leur demande. À Paris ou dans le Val-de-Marne, il ne faut que deux semaines et demies. Plus que de mots, nous avons besoin de transparence.
Que comptez-vous faire après la publication du rapport ? Demandez-vous à l’état de rattraper la situation ?
Nous soutenons avec l’ensemble des maires le plan de rattrapage de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis. Les enfants du département perdent en moyenne un mois de cours dans leur scolarité. C’est le produit direct d’une inégalité en terme de remplacement des professeurs. C’est une forme de redistribution à l’envers : on prend aux pauvres pour donner aux riches. Nous allons envoyer ce rapport à l’ensemble des parlementaires et des ministres pour alerter sur ce constat. En créant notre observatoire, notre ambition est de publier un rapport annuel pour mesurer les progressions dans la transparence et le rattrapage des inégalités.
D’autres rapports, dont celui du député Stéphane Peu ont déjà mis en lumière les inégalités. Pourquoi persiste cette légende sur le « pognon de dingue » déversé sur les banlieues ?
C’est lié à la discrimination à l’encontre des populations qui sont les plus précaires financièrement. Si la même situation avait lieu dans le 6e arrondissement, elle serait résolue en quatre jours en raison de l’endogamie entre les responsables politiques et administratifs qui les conduit à ne pas voir l’éléphant au milieu de la pièce : l’allocation inégalitaire des moyens de l’Etat en donnant davantage aux plus riches. Il y aussi une tactique politique qui consiste à jouer la confrontation avec les revendications des banlieues populaires. Il s’agit de diviser le champ politique entre banlieues et France profonde. Mais la France rurale et périurbaine affronte les mêmes phénomènes que la France de la Seine-Saint-Denis. C’est pour cela que la publication de chiffres est une condition pour établir un débat politique normal. Notre département est la destination principale du tourisme ministériel. Nous recevons plus d’une centaine de visites ministérielles chaque année. A chaque fois, je leur remettrai le rapport en leur précisant qu’au-delà des déclarations sur X, nous avons besoin qu’ils fassent leur travail sur les services fondamentaux de l’état.