Pour débattre de l’austérité, quoi de plus constructif qu’une causerie autour d’un plateau de fruits de mer ? Divers médias, dont « Le Monde », se font l’écho d’une réunion de crise au sommet, organisée dans un salon de l’Élysée ce mercredi 20 mars, afin de discuter du contexte économique dans lequel se déroulera le scrutin des européennes.
Étaient présents le chef de l’État, divers ministres dont Gabriel Attal et plusieurs poids lourds de la majorité présidentielle. Au menu de la deuxième partie du dîner : le « dérapage » des comptes publics, qui impose selon le camp macroniste d’équilibrer nos comptes de toute urgence.
10 milliards entre deux crevettes
Détail croustillant, « Le Monde » nous apprend que le « brainstorming » s’est déroulé devant des plateaux de crustacés, un signe que la frugalité n’est pas encore un mot d’ordre généralisé. En attendant, les convives ont abordé la hausse du déficit public, avec un certain sens de la dramatisation : le déficit sera « significativement » supérieur aux 4,9 % du PIB prévus pour l’année 2023, a déjà prévenu le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Or, le chef de l’État reste cramponné à son programme de stabilité, prévoyant un retour sous la barre des 3 % pour 2027.
Et comme la croissance économique bat de l’aile, Emmanuel Maron a demandé aux convives de la réunion de crise de lui formuler des pistes d’économies. 10 milliards d’euros de coupes dans les dépenses publiques ont déjà été programmés pour cette année, auxquels devraient s’ajouter 20 milliards pour 2025.
Jusqu’à présent, l’arme de la fiscalité a toujours été écartée par le pouvoir macroniste pour renflouer les caisses : hors de question de tourner le dos à la politique consistant à diminuer les impôts pesant sur les plus riches (suppression refonte de l’ISF et création d’une flat-tax sur les revenus du capital) et les entreprises (baisse du taux d’impôt sur les sociétés, disparition programmée de la CVAE, etc.).
Tailler dans tout ce qui bouge
« Le premier quinquennat a vu la multiplication de baisses d’impôts totalement inefficaces, pointe l’économiste Gilles Raveaud. Les cadeaux faits aux plus riches n’ont servi qu’à garnir leur compte courant ou à alimenter la spéculation financière. À l’inverse, il est temps de mettre à contribution le patrimoine et l’héritage pour réduire le déficit public. »
Il n’est pas certain que le message soit entendu par le pouvoir en place. En revanche, divers pontes de la majorité rêvent de desserrer l’étau de la politique fiscale d’Emmanuel Macron, à l’instar de Jean-Paul Mattei (Modem) ou de Sylvain Maillard (Renaissance).
Parmi leurs propositions figurent notamment l’interruption de la suppression de la CVAE, un relèvement du taux de la flat-tax, voire un alourdissement généralisé de la fiscalité pesant sur les dividendes ou les rachats d’actions. Le bolchévisme n’est pas très loin… En face, d’autres macronistes plaident au contraire pour un nouveau tour de vis sur les collectivités locales et un durcissement des règles d’indemnisation des salariés malades.
Toutes ces propositions ont été discutées lors du souper du 20 mars, entre crevettes et bulots. Reste à savoir ce que tranchera le chef de l’État dans les semaines à venir…