Vous avez lancé, la semaine dernière, un conseil régional de la laïcité. Et vous l’avez fait depuis un lycée. Pourquoi ?
Parce que je trouve que beaucoup d’instrumentalisations et de fausses informations circulent sur la laïcité. J’ai surtout pu noter qu’auprès de la jeunesse, il y a une forme de méconnaissance et d’incompréhension sur ce qu’est réellement ce principe républicain. La laïcité est de plus en plus vue comme une forme de discrimination à l’égard des religions.
Il y a urgence à bien faire comprendre aux nouvelles générations que la laïcité assure à tous la liberté de croire ou de ne pas croire, sans que personne ne soit stigmatisé. La laïcité permet à chacun d’assumer ses différences tout en vivant dans un commun républicain. C’est par l’éducation que l’on peut avoir une action forte et offensive sur ce sujet.
60 % des 18-30 ans pensent que la laïcité est instrumentalisée pour dénigrer les personnes de confession musulmane. Considérez-vous que les droites s’en emparent pour mieux la dévoyer ?
Il y a une manipulation de ceux qui veulent faire croire que la laïcité interdit ou s’oppose au culte musulman : ce n’est pas le cas. La laïcité garantit qu’il n’y a pas de religion d’État. La loi est au-dessus de la foi dans le domaine politique. Mais cela ne constitue en rien une menace contre la foi, c’est au contraire une protection qui assure à tous la liberté de culte, quelle que soit la religion.
Il faut bien l’expliquer à nos compatriotes musulmans : la laïcité met toutes les religions et l’athéisme sur un pied d’égalité. Il n’y a pas de suprématie d’une croyance sur l’autre. La laïcité permet de vivre ensemble de façon pacifique et pacifiée.
Une partie de la gauche a-t-elle cédé du terrain sur la laïcité, refusant de voir qu’elle peut reculer, alors que plus d’un professeur sur deux déclare s’être déjà autocensuré sur le sujet par peur de la réaction des élèves ?
Il y a un manque de vigilance collectif qui n’est pas propre à la gauche, mais propre à l’ensemble des forces républicaines qui ont considéré que la laïcité était un acquis qui ne pouvait plus reculer. Pour autant, c’est à la gauche aujourd’hui de porter le réveil, de faire respecter ce principe, de se battre pour accorder des moyens aux enseignants. C’est à la gauche aussi de ne pas encourager une société divisée, qui, sous couvert de reconnaître les minorités, accepte le communautarisme.
Henri Pena-Ruiz est parrain du conseil régional de la laïcité. En 2019, le philosophe défendait « la critique de l’islam, la critique du catholicisme et la critique de l’humanisme athée ». Tout en déclarant : « On a le droit d’être athéophobe, on a le droit d’être islamophobe et on a le droit d’être cathophobe », ce qui avait fait polémique. Qu’en pensez-vous ?
C’est évidemment un faux procès qui a été fait à Henri Pena-Ruiz. Je sais reconnaître en lui un grand philosophe humaniste et un défenseur de la laïcité, qui soutient la liberté de conscience, l’esprit critique et le respect de tous. Je m’insurge contre les attaques indignes et fallacieuses menées contre lui. Henri est un combattant pour la laïcité et la fraternité. Toute sa vie montre son investissement intellectuel pour l’humanisme et contre le racisme.
Le chef de l’État a participé à une cérémonie d’Hanouka dans l’enceinte de l’Élysée. Amélie Oudéa-Castéra a été ministre de l’Éducation nationale alors qu’elle a scolarisé ses enfants dans un établissement catholique. Est-ce acceptable ?
Non. Je pense que la laïcité doit être pleinement respectée, sans aucune entorse. Le président et les ministres ne s’honoreront que dans une stricte application de la laïcité. Quand on représente la République française, on représente la République laïque, une et indivisible, sociale et démocratique.
Jean Jaurès estimait justement que la République restera laïque si elle sait être sociale. N’est-ce pas ce qui fait aussi défaut aujourd’hui ?
Absolument. Jaurès écrivait que la laïcité, c’est la fin des réprouvés. Et je souhaite qu’il n’y ait dans la République aucune personne qui se sente rejetée, je prône une société inclusive qui n’enferme pas les gens dans leur situation sociale et territoriale.
Or, nous sommes gangrenés par une extrême droite qui présente l’étranger comme une menace. La société est aussi très divisée par le gouvernement qui mène une politique injuste, vote la loi immigration et favorise les plus riches en demandant des efforts aux plus pauvres.