C’est le mantra des politiques gouvernementales : mobiliser les moyens de l’État pour les seules catégories favorisées. C’est le cas dans l’école, avec le financement d’un privé de plus en plus élitiste. C’est aussi la tendance en matière de logement, avec la promotion du logement locatif intermédiaire (LLI), qui va de pair avec les attaques budgétaires contre le logement social.
Le 20 mars, une nouvelle étape en faveur de cet habitat, dont les loyers sont 10 à 15 % inférieurs à ceux du marché, a été franchie. Les ministres de la Transition écologique et du Logement, Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian, ont signé un « pacte pour le logement intermédiaire » avec divers opérateurs, dont la Caisse des dépôts (CDC), Action Logement, une quinzaine d’assureurs et des bailleurs sociaux
Les 75 000 logements dont le pacte doit permettre la construction en trois ans sont destinés à « ceux qui ne bénéficieront pas, dans leur vie, de logement social, et qui, pour autant (…) n’arrivent pas à se loger dans le marché libre dans les zones sous forte tension », avait expliqué Christophe Béchu, mi-mars, après la signature d’un premier accord avec 14 assureurs, qui se sont engagés à mettre 400 millions d’euros de fonds propres.
Un plafonnement inquiétant
Mais beaucoup s’inquiètent de voir se développer une offre qui, avec un plafond à 43 529 euros annuels pour une personne seule, ne correspond pas au public touché par la crise du logement. « C’est utile et nécessaire dans les villes où les prix sont trop élevés, mais c’est pour la classe moyenne supérieure. Une infirmière n’a pas assez de revenus pour entrer dans un LLI. Je demande qu’on remette l’accent sur les 2,6 millions de demandeurs HLM, dont 3 % seulement sont éligibles au LLI » a martelé, sur France Télévisions, Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), en rappelant qu’un travailleur sur cinq est au Smic.
Autre inquiétude, le développement du LLI risque de poser des problèmes à un secteur HLM déjà en crise. La Fédération des offices HLM (FOPH), la seule composante de l’USH à avoir refusé de signer le pacte, souligne d’abord que les LLI vont bénéficier d’avantages, comme une TVA réduite à 10 % ou un crédit d’impôt, qui vont coûter plus cher à l’État.
Compte tenu de ces facilités financières, dont ne bénéficient pas les HLM, et de la possibilité de loyers plus élevés donc de meilleurs rendements, la FOPH « alerte aussi sur un risque de vampirisation du logement social par les LLI dans les zones tendues ».
Autre risque mis en avant, celui d’entrer en concurrence avec le secteur HLM pour l’accès à un foncier déjà rare et cher, et ce faisant, d’en renchérir le prix et d’en réduire l’accès. Un problème que va encore exacerber la volonté du gouvernement de modifier, en juin, la loi SRU pour faire entrer le LLI dans l’obligation faite aux communes de se doter de 25 % de HLM. Face à ce danger, le mouvement HLM a d’ailleurs retrouvé son unité. Le jour de la signature du pacte, le comité exécutif de l’USH a rappelé son opposition unanime à ce projet.