Le sénateur socialiste de l’Aude, à l’origine d’une loi pour protéger les jeunes sportifs, explique comment le nouveau système de contrôle de l’honorabilité des éducateurs doit faire le ménage dans les clubs.
Pourquoi vous être impliqué sur cette proposition de loi ?
Avant d’être sénateur, je m’étais déjà penché avec des juristes et des associations audoises sur les questions de la protection de l’enfance et de la libération de la parole. Étant vice-président de l’équipe de France de rugby à XV parlementaire et gravitant dans le milieu sportif depuis longtemps, c’est une cause qui me tient à cœur. C’est un phénomène nouveau. Il n’y a que trois quatre ans que l’on a pris la mesure de l’ampleur du phénomène. J’avais promis que ce serait mon sujet principal de société en accédant à des fonctions parlementaires. Dès mon élection en 2020, j’y ai travaillé. Nous avons lancé des auditions pour ajuster les mesures à mettre en œuvre. Nous nous sommes rapprochés du ministère et Amélie Oudéa-Castera a vu notre projet d’un bon œil pour contrôler aussi ce qui marchait ou pas.
Qu’est-ce qui ne fonctionnait pas ?
On s’est rendu compte que ce contrôle d’honorabilité des éducateurs n’était absolument pas exécuté. Parfois même les présidents de clubs, voire de fédérations, n’étaient même pas au courant qu’ils devaient le faire. Chacun avait son code de déontologie ce qui permettait à certaines fédérations de mettre sous le coude les problèmes pour éviter que ça fasse du bruit. Les chiffres d’un rapport de l’Assemblée nationale font froid dans le dos. Ils font état de 5 millions de femmes et d’hommes adultes victimes de violences sexuelles durant leur enfance, dont 150 000 dans le milieu du sport.
L’une des mesures fortes c’est la pression pénale mise sur les dirigeants ?
Je pars du principe que c’est l’affaire de tous les dirigeants de veiller à ce qu’il n’y ait pas de déviances, d’identifier les éventuels prédateurs et de les sortir du système. Une chasse qu’on ne peut mener que de manière collective. La loi apporte une responsabilité claire des responsables de clubs et de fédérations. Ce n’est pas une sanction, au contraire. Cela leur permet d’avoir des outils pour essayer d’anticiper et de contrôler en amont avant l’embauche de tout bénévole. C’est du “gagnant-gagnant”.
Comment vont évoluer ces contrôles ?
On aura désormais un double contrôle. Les vérifications d’honorabilité dans les clubs remontent à 2006 mais jusqu’à présent 43 fédérations ne les effectuaient pas. L’éducateur doit remplir une fiche et fournir l’extrait de casier judiciaire B2. Rien que cela n’était pas fait. La loi va introduire un contrôle systématique des 2 millions d’éducateurs bénévoles et des 150 000 professionnels. Seuls les pros étaient contrôlés jusqu’à présent. Désormais tout le monde le sera annuellement en allant regarder en plus le FIJAIS (fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes). En effet, le FIJAIS retient les infractions pendant plus de 20 ans et permet de coincer ceux qui pourraient jouer sur le fait que leurs sanctions ont été effacées de leur casier. Pour moi il y a une tolérance zéro, on ne veut plus voir un seul prédateur sexuel.
Comment assurer les contrôles ?
C’est la responsabilité des clubs et des fédérations mais aussi du ministère des sports qui a doté ses directions de moyens supplémentaires pour pouvoir assurer les contrôles. Il faut aussi faire connaître davantage la cellule “Signal-sports” pour faire augmenter le nombre de signalements. On était environ à 500 signalements en 2020. On est aujourd’hui à plus de 1200. Tout cela contribue aussi à libérer la parole. Mais ce texte n’est qu’une étape avant de prendre d’autres mesures.
Lesquelles ?
La ministre des sports va lancer après les JO une grande loi sport sur l’éthique où il sera question des violences. Une mesure simple doit suivre : contrôler aussi tous les accompagnants, les personnes qui encadrent la buvette, tous ceux qui sont en contact avec les enfants devront être contrôlés. Aujourd’hui vous pouvez exercer et vous êtes contrôlé après. Il faut remettre les choses dans l’ordre et contrôler les gens avant de leur confier des enfants. Cette loi peut inspirer d’autres milieux comme celui de la culture, où une certaine parole se libère également.