Le pas pressé par un emploi du temps chargé, Bertrand Badie se hâte. Mais, à l’angle du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Guillaume, au cœur du quartier latin de Paris, le spécialiste des questions internationales s’arrête net dès l’évocation de la récente polémique. « Cette ambiance est épouvantable ! », lâche-t-il. Et le professeur émérite des Universités à Sciences Po de poursuivre : « Que le président de la République et le premier ministre s’en mêlent, ça me paraît disproportionné. C’est même lamentable ! Ce devrait être aux établissements de régler leurs problèmes. »
Pourtant, au numéro 27 de la fameuse rue Saint-Guillaume, rien ne laisse présager, en cette matinée ensoleillée, que Sciences Po vit en pleine tempête depuis déjà 48 heures. Les vigiles filtrent les allées et venues des étudiants, comme d’habitude. Les pauses clopes s’éternisent, comme d’habitude. Rien, si ce n’est cette caméra de France Info, braquée sur les trois portes d’entrée de l’école, laquelle s’attire nombre de regards désapprobateurs. « Ils sont encore là… », souffle même une élève.
La guerre à Gaza dans les amphis
C’est mardi que l’Institut d’études politiques (IEP) de la capitale s’est embrasé jusqu’à devenir le centre du débat public. Au petit matin, une soixantaine d’étudiants, membres du comité « Sciences Po pour la Palestine », prennent possession de l’amphithéâtre Boutmy, qu’ils renomment « Gaza » et décorent d’une banderole « Sciences Po complice ». En amont d’une conférence organisée dans la salle, une jeune femme se voit refuser l’accès. Peu après midi, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) s’alarme sur X (ex-Twitter) : « Limite franchie à Sciences Po où le grand amphi est occupé. Les étudiants de l’UEJF y sont pris à partie comme juifs et sionistes. »